- Entrez Docteur, Madame est au salon et l’inspecteur doit rôder dans les parages.

David sourit intérieurement. L’inspecteur Morales avait dû essuyer les foudres de la cuisinière et son instinct de survie l’avait poussé à fuir. Il le comprenait. Maria pouvait se montrer extrêmement désagréable avec les inconnus et il connaissait son aversion pour la police. Après le meurtre de Paolo, Maria lui avait confié qu’elle considérait les flics comme un bande d’incapables prétentieux. « Ils fouinent depuis des mois à la recherche de leurs précieux indices, mais leur bêtise les aveugle, ils ne trouveront jamais rien. » David soupira en s’engageant dans le long corridor, la suite avait donné raison à la cuisinière. Et aujourd’hui, avec le meurtre de Nicky, il craignait que l’histoire ne se répète.

Claude n’était pas au salon. Figée dans l’embrasure de la porte de la cuisine, elle observait Lilie et l’inspecteur Morales. Absorbés par leur conversation, ils ne l’avaient pas remarquée. Oui, c’était bien une conversation, même si Lilie ne parlait pas. Claude se sentait exclue de cette scène intime, de ce monologue fragile qui tissait des liens mystérieux entre ces deux êtres si différents.

L’inspecteur avait raison, Lilie avait grandi. Sa petite jupe bleue était trop courte et les manches de sa blouse lui arrivaient au-dessus du poignet.

Si Lilie et Robin s’étaient retournés à cet instant, ils auraient vu une larme couler le long de la joue de Claude, une larme qu’elle n’essaya pas d’essuyer, une larme qui vint s’écraser sur le carrelage comme une goutte d’innocence qui aurait déserté son nid. Mais ils se retournèrent plus tard, lorsque la voix forte de Maria surgit dans la cuisine pour les chasser de son repaire.

En entrant dans le salon, Robin eut l’étrange impression d’être devenu subitement aveugle. Des rideaux de velours rouge masquaient les grandes fenêtres qui semblaient étouffer sous l’épaisseur du tissu. Lorsque ses yeux se furent habitués à la pénombre, il distingua les silhouettes de Claude et du médecin debout au centre de l’immense pièce.

Lilie se faufile dans le salon par la porte du petit bureau. Elle observe les adultes se saluer, se dire les banalités d’usage, se rassurer sur le bien-fondé de cet entretien. Bientôt ils vont se demander où elle est, et ils l’appelleront.

- Lilie, nous t’attendons au salon.