Chapitre XIII
 
     
 
Épisode 060
 
     
 

Raoul se lave soigneusement les mains. Ces chiottes puent la vieille pisse et il a l’impression que des milliards de microbes s’accrochent à sa peau. Il se retourne en entendant la porte grincer. Un homme le frôle et se précipite dans les toilettes. Sans réfléchir, Raoul tend la jambe, l’autre trébuche et s’effondre. Il se relève en jurant, et commence à pisser à côté de la cuvette. Son pantalon baille sur ses grosses fesses blanches. Lorsqu’il se retourne, Raoul voit la tache sombre près de la braguette. Ce porc n’a pas pu se retenir, il s’est à moitié pissé dessus. Ecœuré, Raoul se dirige vers la porte.

– Ah, ça fait du bien. Je crois que j’ai un peu forcé la dose.

Raoul se retourne vers le gros gars qui lui sourit. La lumière violette fait ressortir ses dents et ses baskets. On dirait un personnage échappé d’un train fantôme. Grotesque et pathétique. La mâchoire lui dit :

– Ça va vieux ? Tu en fais une tête.

Norbert. Avec cet éclairage saccadé il ne l’avait pas reconnu. Incroyable. Il l’a suivi jusque dans les chiottes. Cette fois plus aucun doute, c’est un flic. Il n’y a que les flics pour être aussi tenace.

– Ça baigne. Juste besoin de me soulager, comme toi.

Le gros porc grimace un sourire complice.

– Ce soir, ma femme dort chez sa mère qui est malade. Il se rapproche de Raoul et continue d’un air entendu. Ces bonnes femmes, toutes les mêmes. Elles ne comprennent pas que nous, les hommes, on a certains besoins qui…

Raoul n’écoute pas la suite. Il regarde fasciné les mouvements de ces dents qui bougent dans la nuit. Une idée géniale lui traverse l’esprit. Il va appâter la balance en lui lançant des cacahuètes, des miettes de renseignements que l’autre con gobera avec sa grande bouche.

En souriant il entraîne Norbert.

– Viens vieux, la nuit n’est pas terminée. C’est ma tournée.