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Chapitre XIII |
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Épisode 061 |
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Quelques heures plus tard, Raoul se dirige vers la gare. Les lueurs de l’aube recouvrent la ville endormie d’une lumière blafarde. Une bise glacée pénètre sous ses habits imbibés des odeurs de sa nuit mouvementée. Fumée, vapeurs d’alcool, relents de mots oubliés. Il se sent crasseux. En tâtant sa poche il sent quelques pièces de monnaie. Ça suffira pour la douche. Pas question de retourner dans l’appartement des femmes dans cet état, Maria lui sauterait à la gorge en le traitant d’assassin. Il attendra que Carmen sorte de l’hôpital et il rentrera avec elle. L’eau chaude coule délicieusement le long de son corps musclé. Il repense à sa nuit. A Norbert. Après l’histoire des chiottes, ils ont bu et parlé pendant des heures. Au début Raoul était sur la défensive, il cherchait à coincer ce merdeux. Mais Norbert est habile, il ne s’est pas trahi. Pourtant Raoul n’est pas dupe, il ne croit pas à son histoire de femme qui récure le commissariat. C’est du bidon. Au fil des heures, sa méfiance s’est relâchée et il a même apprécié la compagnie de Norbert. Dommage que ce soit un flic. Comme lui, Norbert déteste les pédés. Il lui a confié que parfois, il les suit, repère leur bagnole dans les parkings et dès qu’ils sont hors de portée, il s’attaque à leur caisse. Oh, pas des gros dégâts, un pneu crevé, une rayure sur l’aile. Des broutilles. Il a dit : – Ils n’ont que ce qu’ils méritent. J’ai l’impression que la communauté devrait me remercier. Raoul n’avait pas répondu. Trop risqué. Il pourrait se trahir. D’ailleurs, avec tout ce qu’ils avaient ingurgité, Raoul a peur de s’être laissé aller à des confidences. Mais son esprit embué ne se souvient plus. Il a des blancs, des trous, des gouffres. Raoul frissonne. L’eau est devenue tiède et il n’a plus de monnaie. Les voyageurs pressés d’aller travailler débouchent des quais et se ruent dans les escaliers roulants. Raoul se fait bousculer. Il déteste la foule. Tous ces gens lui pompent sa force, le laissant inerte et vulnérable. Devant la gare, les arrêts de bus sont bondés. Raoul décide de se rendre à l’hôpital à pied. En fourrant les mains dans ses poches il sent un morceau de papier. L’adresse et le numéro de téléphone de Norbert. Il lui a proposé de l’héberger jusqu’à ce que Carmen sorte de l’hôpital. « J’habite tout près et ma femme va rester quelques jours chez sa mère, on aura l’appartement pour nous. » Bien joué. Une fois infiltré chez l’ennemi, Raoul pourra fureter à sa guise. En pénétrant dans le hall de l’hôpital, il surprend son reflet dans la porte vitrée. Ses cheveux noirs lui tombent sur les yeux. Il a l’air inquiet du mari qui va rendre visite à sa femme blessée. Parfait. |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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