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Chapitre XIV |
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Épisode 063 |
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– Bien. Je crois que nous avons fait le tour de ce qu’il reste à faire. Un peu de repos serait le bienvenu. Claude leva la tête de ses papiers et regarda Edouard. Ses cheveux d’habitude lisses et soigneusement coiffés étaient éparpillés autour d’un visage tendu et strié de rides profondes. Il avait l’air exténué. – Rentrez chez vous, Edouard. Je vais rester encore un moment pour régler quelques détails, puis j’irai me plonger dans un bain chaud. Mais Edouard ne se décidait pas à partir. Il semblait soucieux. Claude n’était pas intime avec lui, mais lorsqu’il se planta devant elle les yeux plongés dans le vague, elle lui dit : – Vous semblez préoccupé Edouard. Il sursauta et la fixa comme s’il ne la reconnaissait pas. – Excusez-moi, Claude. J’ai peur de ne pas être très efficace aujourd’hui. Il fit une pause et continua. Je m’inquiète pour Florence. Elle semble se désintéresser de la prochaine vente et préfère rester à la maison. Elle a eu plusieurs rendez-vous de médecin cette semaine, mais elle refuse de m’en parler. Je la sens nerveuse et déprimée. Et je ne sais pas quoi faire. En voyant l’air désemparé d’Edouard, Claude lui posa doucement la main sur l’avant-bras. – Ne vous inquiétez pas, Florence a toujours été de constitution fragile. Elle m’a confié que la mort de Nicky l’avait beaucoup touchée et qu’elle avait besoin de repos. Je ne voudrais pas m’immiscer dans votre vie privée, Edouard, mais vous devriez lui proposer de repousser la date de votre voyage. Attendez qu’elle se sente mieux. Edouard soupira. – Les réservations sont confirmées, je ne peux pas tout annuler. Mais si c’est juste un problème de repos, je vais la rassurer. Elle pourra se reposer dans les meilleurs hôtels d’Europe. Claude retourna à sa table de travail. Décidément, Edouard ne comprenait pas grand-chose aux états d’âme de sa femme. Il y a quelques jours, Florence lui avait confié qu’elle appréhendait ce voyage, qu’elle n’avait pas envie de traîner pendant plusieurs mois dans les musées. Elle avait essayé d’en parler à Edouard, mais dès qu’elle abordait le sujet, il baissait les yeux et lui parlait de son ingratitude. En disposant les chaises autour de l’estrade, elle se dit que les disputes de ses patrons ne la regardaient pas. Elle avait d’autres préoccupations. Après lui avoir fait ses dernières recommandations concernant l’organisation de la vente du lendemain, Edouard enfila son pardessus en pestant contre le froid et partit. Claude regarda par la fenêtre sa silhouette disparaître au coin de la rue. Autour de lui, les flocons échappés des giboulées tourbillonnaient dans le ciel comme des milliers de perles. Elle recula. La bise glacée s’infiltrait à travers la vitre et Claude sentit son souffle insidieux lui frôler la joue. En frissonnant, elle alla se réfugier dans la cuisine et se prépara un tasse de café. La petite pièce était plongée dans la pénombre mais Claude n’alluma pas, elle aimait se fondre dans la torpeur de fin d’après-midi. Tout en buvant son café, elle repensa aux deux dernières semaines. Depuis l’entretien avec l’inspecteur, Lilie avait changé. Elle était plus vive, plus lumineuse. Comme si le voile de tristesse qui la recouvrait s’était enfin levé. Claude l’avait surprise une fois devant son miroir en train de faire des grimaces avec sa bouche, comme si elle essayait de parler. Mais aucun son n’était sorti. David lui avait dit que c’était trop tôt, qu’il fallait patienter, ne pas la brusquer. David. Ces derniers jours, ils s’étaient vus à plusieurs reprises pour parler des progrès d’Aurélie. Hier soir, il devait venir à huit heures, mais retenu par une urgence, il était arrivé plus tard. En l’attendant, Claude s’était mise à arpenter les pièces, incapable de s’occuper. Son attitude n’avait pas échappé à sa mère qui lui avait dit tout en faisant mine d’épousseter le buffet : « Très gentil ce garçon. Allez manger dehors, il doit être affamé et tu n’as rien avalé ce soir. » Elle avait suivi son conseil. Dès que David arriva elle lui proposa d’aller au restaurant. Il parut surpris, puis ravi. A cet instant, Claude sut qu’elle était amoureuse. La sonnette retentit au moment où elle posait sa tasse dans l’évier. |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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