Soudain elle réalisa que Lilie était en danger. Si le meurtrier de Paolo avait tué Nicky cela signifiait qu’il faisait partie de son entourage. Un client de la galerie ? Un livreur ? Le concierge ? Elle ne le connaissait pas, mais lui savait parfaitement qui elle était. Il connaissait ses habitudes, ses goûts. Il savait que Lilie allait bientôt parler. Elle dit d’un voix tremblante.

– Lilie. Le meurtrier va vouloir l’éliminer, elle l’a vu.

Robin alluma une cigarette. La fumée voltigea autour de son visage comme pour l’encourager à parler.

– Non, elle ne l’a pas vu. Elle a vu les yeux et la bouche d’un homme masqué. Impossible de le reconnaître.

– Comment pouvez-vous en être sûr ?

– Je ne suis sûr de rien. Mais le meilleur moyen de protéger Lilie, c’est d’en être convaincu et de le dire à votre entourage. Sachant que Lilie ne peut pas le reconnaître, le meurtrier va la laisser tranquille. Il fit une pause.

Tandis qu’il parlait, Claude s’était approchée et se tenait debout devant lui :

– Inspecteur, comment pouvez-vous prévoir la réaction d’un malade ?

Robin détourna les yeux. Il comprenait son désarroi. Mais il était convaincu que le meurtrier n’était pas un tueur d’enfant. Il y cinq ans, il avait laissé la vie sauve à Aurélie, elle ne faisait pas partie de son plan. Mais Robin n’arriverait jamais à persuader une mère en colère. Alors il dit :

– Deux hommes sont chargés de surveiller votre appartement. Je suis venu pour discuter des détails avec vous.

Pendant la demi-heure qui suivit, Robin réussit à rassurer Claude. Lilie ne serait jamais seule et personne n’entrerait dans l’appartement sans que les deux hommes postés dans une fourgonnette devant l’entrée de l’immeuble ne soient avertis. Le lendemain matin, Robin irait parler à Maria, il lui demanderait son aide pour assurer la surveillance de Lilie.

En évoquant Maria, Claude sourit faiblement :

– Je ne sais pas ce que nous ferions sans elle. Elle s’occupe de tout. Elle joue même le rôle d’infirmière pour Carmen qui vient de rentrer de l’hôpital.

Quelques minutes plus tard, Claude raccompagna l’inspecteur jusqu’à la porte. Au moment de prendre congé, Robin lui dit :

– J’ai rendu visite à Philippe Monfort hier. Il s’inquiète pour vous. Vous devriez l’appeler.

Masquée par le rideau, Claude regarda l’inspecteur s’éloigner. Son écharpe s’agitait autour de son visage comme si elle voulait le protéger des assauts de la bise. Elle pensait à Philippe. Il viendrait à la vente demain. Et elle lui parlerait. Elle lui parlerait de Lilie, de l’enquête, elle feindrait la fatigue, elle éviterait l’insistance de son regard, la main qui resterait sur son bras.

Elle lui mentirait, comme toujours.