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Chapitre XV |
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Épisode 069 |
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En regardant par la fenêtre du bistrot, Robin vit des traînées grises se diluer dans le ciel noir, mais la pâle lumière du jour n’arrivait pas à percer cet écran d’obscurité. Décidément, le temps ne s’arrangeait pas. Il était à l’image de son enquête, glauque et déprimant. Depuis quelques jours, Porchet le harcelait. Robin lui parlait de suspects, mais son chef voulait une arrestation, un coupable à offrir en pâture aux journalistes. Depuis l’affaire de l’office des faillites, Porchet n’avait pas la cote auprès des contribuables et les élections s’approchaient. Le conseiller d’État aimait le pouvoir et il n’hésiterait pas à sacrifier son inspecteur chef en lui faisant porter l’entière responsabilité d’un échec. Robin posa quelques pièces sur la table, finit son café au lait, regarda sa montre, tendit la main vers la corbeille des petits pains, hésita, prit un croissant et le reposa. Il appréhendait son entretien avec la cuisinière. Elle allait lui parler du mari de la femme de chambre et il n’aurait aucun élément nouveau à lui apporter. L’inspecteur qui avait interrogé Raoul s’occupait de sa surveillance et Robin lui faisait confiance. Mais Maria ne se contenterait pas de cette explication. Elle voulait le voir derrière les verrous, elle voulait l’empêcher de nuire. A regret, Robin quitta la chaleur du bistrot et s’engouffra dans la morosité matinale. Vous essayez de me faire croire que deux hommes planqués dans une voiture vont pouvoir arrêter un assassin. Non, inspecteur. C’est moi qui protégerai Lilie, je veillerai sur elle jour et nuit, personne ne lui fera du mal. Maria agitait ses gros bras et Robin fut impressionné par la force que dégageait la cuisinière. Lilie ne risquait rien. En avalant son deuxième morceau de tarte aux pommes, Robin se détendit. Maria n’avait pas insisté pour connaître les détails de l’enquête sur Raoul, elle s’était contentée de hocher la tête en le regardant d’un air méprisant. Votre tarte est délicieuse. Maria grogna, mais le compliment la radoucit. J’ai du travail aujourd’hui. Ce soir, c’est la grande vente annuelle à la galerie. Chaque année, je prépare des gâteaux. Madame Maudet prétend que les clients les adorent. Le traiteur s’occupe du salé mais il n’y connaît rien en pâtisseries. Madame Maudet a du goût. J’hésitais à me rendre à cette vente, mais maintenant j’ai une bonne raison d’y aller. Tout en sortant les ingrédients du réfrigérateur, Maria dit : Elle est gentille, mais elle vit dans un autre monde. Dans un monde de belles choses protégées par un mari qui l’agace. J’ai plutôt eu l’impression d’un couple parfaitement assorti. Inspecteur, vous êtes un gamin. Méfiez-vous des apparences. Elle Robin se rapprocha de la table. Elle quoi ? Vous savez faire parler les gens, inspecteur, mais je ne suis pas une commère. Malgré ses grands airs, je l’aime bien et je ne voudrais pas lui faire du tort. D’ailleurs j’ai pu me tromper, ma vue n’est plus aussi bonne qu’avant. Robin prit un morceau de pâte qu’il pressa dans sa main. Des signaux d’alerte s’étaient enclenchés dans sa tête. Il devait rester calme, surtout ne pas montrer son excitation. Florence Maudet est une très belle femme. Maria était concentrée dans la préparation d’un mélange crémeux et semblait n’avoir pas entendu, mais finalement elle dit : Pas aussi belle que ma patronne. C’est pourquoi, je n’ai pas vraiment compris ce qui se passait. |
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