Pendant l’heure qui suivit, Claude déballa les cartons. Elle espérait pouvoir rentrer chez elle en début d’après-midi afin de passer quelques heures avec Lilie avant de revenir pour la vente. La pluie s’était enfin arrêtée, elles pourraient aller se promener. Depuis quelques jours, Lilie acceptait de sortir de l’appartement. Pas longtemps, juste pour aller au parc. Elle se cachait derrière une grande écharpe et rasait les trottoirs. Mais elle sortait. Pendant ces promenades, Claude tenait fermement la main de la petite fille dans la sienne. Alors elle n’avait plus peur. Cet après-midi, elles sortiraient avec sa mère et Maria. Malgré ce sale temps, les forsythias étaient en fleurs et Lilie voulaient les faire admirer à sa grand-mère.

Le téléphone sonna mais Claude continua ses rangements. Edouard répondrait, c’était sûrement un client. Mais Edouard ne répondit pas et finalement elle prit le combiné. C’était David. Il lui dit qu’il arriverait assez tard à la vente car il devait se rendre chez un confrère pour discuter du cas d’un patient commun. Le ton chaleureux de sa voix lui fit du bien. Elle le verrait ce soir.

Avec une énergie nouvelle, Claude arrangea les plats sur la grande table dressée dans l’entrée. Plus tard, en reculant pour admirer l’effet de l’ensemble du buffet, elle vit Edouard, debout devant le Friedrich. Son corps légèrement voûté mimait celui du personnage noir qui contemplait les flots déchaînés depuis son rocher. Dans la pénombre d’un jour sans soleil, la ressemblance était frappante. Emue, Claude s’approcha de la silhouette, elle voulait le convaincre de garder le tableau, Porchet ne méritait pas ce chef d’œuvre. Elle allait lui mettre la main sur l’épaule quand le téléphone portable d’Edouard sonna. Sans bruit, elle retourna à la cuisine pour ranger les cartons. Elle lui parlerait plus tard.

Claude avait terminé, tout était prêt. Edouard lui dit qu’elle pouvait rentrer chez elle. Qu’il fermerait la galerie. Elle hésita à lui parler du tableau, puis renonça. Le moment était passé. Il semblait contrarié, son humeur enjouée avait disparu.

Et en fermant la porte, Claude se demanda pourquoi.