Chapitre XVI
 
     
 
Épisode 077
 
     
 

Il pleuvait. Tant mieux. Ses traces de pas seraient vite effacées. Sa jambe lui faisait mal et il boitait légèrement pour contenir la douleur. Il était fatigué. En traversant le parc, il s’assit sur un banc quelques minutes, juste pour reprendre son souffle. Quelques rares enfants jouaient vers les balançoires. Ils s’amusaient à se gicler en sautant dans les flaques.

Il n’aurait pas cru que ce serait aussi facile. L’autre ne se doutait de rien, il n’avait pas résisté. Et jusqu’au dernier moment, il n’avait pas compris qu’il allait se faire tuer. Le pistolet déformait la poche de son imperméable. Il devait s’en débarrasser. Son père adorait les armes à feu et il avait hérité de sa collection, mais il ne partageait pas sa passion, au contraire.

Le ciel gris semblait accabler les passants. Ils marchaient lentement, courbés en avant pour éviter les bourrasques. Mais le vent s’engouffrait dans les manteaux, arrachait les capuchons, flirtait avec les parapluies qui échappaient au contrôle de leur propriétaire. Les gens rentraient chez eux. Il était seulement quatre heures, mais il faisait presque nuit. C’était une de ces journées intemporelles qui se levait dans la grisaille et se couchait dans l’indifférence. Une journée qui serait vite oubliée, sauf pour lui. On tuait parfois par hasard, mais chaque meurtre laissait des traces.

En regardant les passants, il les envia. Ils marchaient vite, sans hésitation. Leur femme, leurs enfants les attendaient. Lui, il se sentait très seul. Il ne trouvait pas sa place dans cette communauté de gens simples. Son père lui avait dit qu’il serait différent, meilleur. Mais son père disait toujours ça. Il radotait les mêmes salades en caressant la crosse de ses précieux pistolets. Ses précieux pistolets ! Aujourd’hui, il avait choisi un Remington des années soixante. Le préféré de son père. Un des joyaux de la collection.

A regret, il se leva du banc et remonta le col de son imperméable pour protéger sa chemise de la pluie. En sortant du parc, il jeta le pistolet. Il avait pris soin de l’emballer dans un sac en plastique noir, personne n’irait fouiller dans les poubelles avec ce temps.