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Chapitre XVII |
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Épisode 079 |
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La galerie était plongée dans la pénombre. L’estrade en bois dressée pour la vente semblait animer un groupe de personnages figés dans la mémoire des chaises. Robin avança lentement comme pour respecter le silence de la scène. Mais ses chaussures crissaient sur le parquet brillant ponctuant chacun de ses pas de notes disgracieuses. Il se dirigea vers une fenêtre. Dehors, la nuit s’insinuait dans la grisaille de l’après-midi. Ce moment d’entre-deux lui donnait envie boire ; il aimait sentir les tensions de la journée se dissoudre dans un double whisky. Robin avait arrêté de boire depuis cinq ans, mais ce moment lui donnait soif de cet alcool fort qui brûlait l’estomac en noyant la raison. Excusez-moi, Inspecteur je vous fais attendre. Vous vouliez me parler ? J’espère que l’obscurité ne vous dérange pas, j’aime le calme de la nuit. Robin devina la silhouette de Florence assise sur le canapé. Ses jambes croisées se balançaient en ondulant et Robin sentit un léger souffle dans sa voix. Elle recommençait son numéro de femme fatale. Il s’approcha. J’ ai justement une question concernant une certaine nuit à vous poser. Vous m’intriguez. Mais dépêchez-vous, les gens vont bientôt arriver et je serai accaparée par mon devoir d’hôtesse. Vous ne voudriez pas me détourner de ce devoir, n’est-ce pas inspecteur ? Elle le regardait, l’arrondi parfait de son visage tourné vers lui, les lèvres attentives prêtes à déverser des mensonges parfumés de rouge Dior. Car elle lui mentirait. Quelqu’un a laissé entendre que vous aviez eu une liaison avec Paolo, peu de temps avant sa mort. La bouche se referma, la silhouette abandonnée se redressa. Florence passait à l’attaque. C’est ridicule. Pourquoi perdez-vous votre temps avec ces bavardages ? Vous n’avez rien d’autre à faire ? Je croyais que vous étiez payé pour enquêter sur le meurtre de Nicky, pas pour colporter des ragots. Mais Robin ne se laissa pas dérouter par l’attitude outrée de Florence, Tout ce qui pourrait donner un éclairage nouveau sur le meurtre de Paolo fait partie de mon enquête. Laissez tomber votre discours de flic et écoutez-moi bien. Dans quelques minutes, mon mari va arriver, je pense que vos divagations lui déplairaient profondément. Et vous connaissez ses accointances avec votre chef, n’est-ce pas ? Alors cessez immédiatement ce petit jeu et allez fouiner ailleurs. Désolé, mais je reste. Votre mari m’a envoyé une invitation pour la vente, et je suis curieux de suivre le déroulement de la soirée. Florence se leva pour allumer la lumière. La grande pièce s’anima, comme si elle émergeait d’un long sommeil. Le canapé, les fauteuils, les chaises se redressèrent, prêts à recevoir leurs occupants. Les tableaux firent miroiter la transparence de leurs glacis, impatients de découvrir la lueur d’émerveillement dans le regard des amateurs. Le spectacle pouvait commencer. Robin contempla ce décor dans lequel trônait Florence. Elle était à l’aise dans cette pièce et ses répliques consciencieusement répétées ne supportaient pas l’arrogance d’un inspecteur qui osait improviser. La sonnette d’entrée retentit. Florence se dirigea vers la porte ignorant l’inspecteur qui lui dit : Nous reprendrons cette conversation un autre jour. |
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