![]() |
||||
Chapitre XVII |
||||
Épisode 081 |
||||
Philippe se tenait devant elle, un verre de champagne dans la main. Elle vit tout de suite que ce n’était pas le premier. Je me demandais qui avait payé aussi cher cette aquarelle. Effectivement, j’ai offert le prix fort. Je dois me racheter aux yeux d’Edouard. Je m’en veux de lui avoir fait rater une grosse vente. Il marqua une pause. Ou peut-être que j’ai voulu t’impressionner par mon argent, juste pour que tu t’intéresses à moi. Ne fais pas cette tête, c’est une plaisanterie. Toujours est-il que j’ai réussi à attirer ton attention. Tu me fuis depuis le début de la soirée. Et ne me regarde pas avec cet air réprobateur. C’est vrai, je n’en suis pas à mon premier verre et je n’ai pas l’intention de m’arrêter. L’alcool m’aide à me supporter. Ecoute, Philippe, je dois m’occuper du buffet, nous pourrions nous voir plus tard. Claude fit mine de s’éloigner mais Philippe la rattrapa par le bras. Non, reste ici. Il saisit une flûte de champagne posée sur une table. Et bois ça, tu verras, tu parleras mieux après. D’ailleurs, je vais te simplifier la tâche. Depuis quelques temps, j’avais remarqué votre manège, je voulais en avoir le cur net. Je suis allé voir David. Je sais. Bien sûr. Le cher toubib s’est senti menacé, il sait que je peux être violent. Il ne m’a rien dit sur vous deux, mais son silence était parlant. Et tu vois, Claude, ce n’est pas tant sa lâcheté qui m’a blessée, c’est ma bêtise. Cela fait des années que j’attends mon tour. Que j’attends que tu me fasses une place dans ton cur. J’étais le suivant sur la liste. Mais non David m’a doublé et moi j’ai été assez stupide pour le laisser faire. Je suis désolée. Pendant toutes ces années, tu m’as manipulé et moi, je n’ai rien vu. Je croyais que tu pourrais m’aimer, qu’il fallait juste te laisser un peu de temps. Mais je me trompais. Tu m’as utilisé comme pis-aller en attendant mieux. Et maintenant que tu as trouvé ce que tu cherchais, tu peux refermer la porte et me congédier. Claude regarda Philippe avec inquiétude. Il parlait trop fort et son visage était écarlate. Autour d’eux, les gens commençaient à les remarquer, elle devait le calmer. Arrête, Philippe. Tu es mon ami. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans ton aide, ta présence m’a réconfortée, nous avons partagé notre peine. Je ne t’ai jamais dit que je t’aimais, mais tu as raison, je n’ai pas été claire. Pourtant ce n’était pas pour te blesser, encore moins pour te manipuler, c’était par lâcheté et par ignorance. Je ne savais pas que tu attendais ton tour comme tu le dis. Ne fais pas ta sainte-nitouche, ce jeu est terminé. Et Philippe continua sur le même ton agressif. On aurait dit qu’il déversait le trop plein d’années passées à se taire. Mais Claude n’écoutait plus, elle scrutait l’assemblé qui s’était levée des chaises pour se diriger vers le buffet. L’huissier prenait une pause. La vente continuerait avec le Friedrich. Elle fit un signe à Maria qui revint quelques instants plus tard avec les gâteaux. me mens depuis des années. Philippe interrompit son monologue et ses épaules s’affaissèrent. Discrètement, Claude l’installa dans la petite cuisine et lui fit une tasse de café. Elle lui parlerait de ses doutes, de ses peurs, elle tenterait de lui expliquer pour David, elle ne voulait pas perdre son amitié. Elle lui parlerait, mais pas maintenant. |
||||
© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
||||
![]() |