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Chapitre XIX |
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Épisode 089 |
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Oui, elle le connaissait, bien sûr. Richard, l’homme qui devait lui permettre enfin d’exister. Et il était mort, assassiné. Comme Paolo. Elle portait la poisse, tout était de sa faute. Florence hésita. Elle devait peser ses mots pour ménager Edouard. Richard était mort, elle ne pouvait rien y faire. Maintenant elle devait penser aux vivants. – Oui, je le connais. Il s’appelle Richard Fortis. Ce n’est pas un ami, juste une connaissance. L’inspecteur se redressa dans la pénombre de la pièce et s’approcha d’elle. Florence se campa dans son fauteuil, prête à répondre à son agressivité de flic. Mais, sur son visage, aucune colère, seulement de la compassion. La compassion d’un homme pour une femme blessée. Alors Florence abandonna son rôle laissant libre cours à son chagrin. Elle pleurait sur les corps de ces hommes aimés, sur ces instants heureux qu’elle avait laissés filer sans tenter de les retenir. Robin attendit qu’elle se calme. Il ne voulait pas remettre leur entretien au lendemain. Florence allait parler, maintenant. Demain il serait trop tard, la bourgeoise aurait repris le dessus sur la femme blessée. Un sentiment d’urgence le poussait à agir. Il sentait confusément que les meurtres de Paolo, Nicky et Richard étaient liés. L’assassin avait prémédité le meurtre de Paolo, un meurtre raffiné et violent. Pour Nicky il avait dû agir vite pour l’empêcher de parler. Tuer deux, ou trois fois, finalement quelle différence ? Il n’y avait pas de temps à perdre, il voulait à tout prix éviter un nouveau meurtre. Alors Florence se mit à parler. Les mots avaient de la peine à se frayer un chemin à travers ses larmes, mais bientôt, sa voix s’affermit. Elle parla de sa vie avec Edouard, son mari, cet homme admirable et ennuyeux. Elle raconta sa liaison avec Paolo, brève et passionnée. Un Paolo égoïste, amusé par leurs jeux amoureux mais vite lassé dès qu’il avait compris qu’elle s’accrochait à lui. Il avait rompu brutalement, un soir, dans la chambre où ils venaient de faire l’amour, en lui disant : « Je ne veux pas m’encombrer d’une femme qui s’amourache, j’ai ce qu’il faut à la maison. Nous avons passé du bon temps ensemble, maintenant chacun retourne chez soi. J’ai une famille qui m’attend pour le repas. Et toi, tu ferais bien de te rhabiller vite fait et d’aller retrouver ton croque-mort de mari. » Maintenant, Florence parlait à toute vitesse comme si les mots refoulés depuis des années venaient de briser les barreaux qui les retenaient prisonnier. Elle raconta sa fausse couche. Le bébé de Paolo qu’elle avait été incapable de garder. Son amitié grandissante pour Claude qui n’avait jamais su qu’elles avaient aimé le même homme. Sa tendresse pour Lilie. Sa vie avec Edouard qui avait repris son cours monotone et rassurant. Et puis, il y avait trois semaines sa rencontre avec Richard Fortis. Elle ne l’avait pas encouragé, mais Richard était un homme passionné. Il l’avait rendue vivante, elle qui s’était depuis longtemps résignée à sa petite existence terne et raisonnable. – Pensez-vous que votre mari était au courant de votre liaison avec Fortis ? |
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