• 29Mar

    Les trains n’arrivent plus à l’heure

    Avec nos physiques taillés par le vent des montagnes, abreuvés au chasselas et à la gentiane, nourris à la longeole et aux röstis, il est incompréhensible qu’un virus étranger parviennent jusqu’ici pour menacer nos solides institutions. L’histoire prouve un fois de plus que nous ne nous sommes pas assez méfiés.

    © Cousu Mouche, 2021, tous droits réservés.

    Les trains n’arrivent plus à l’heure

    Paroles et chant : Rolf Kühl
    Paroles, musique, chant et guitare : Marcel Kühl

    D’abord c’était chez les Chinois
    Faut bien dire que chez ces gens-là
    Ça bouffe un peu n’importe quoi
    Du tout cru et du mal cuit
    Du trop froid ou du bien moisi
    Ils se tapent même des chauve-souris
    Avant le petit-déjeuner
    T’es bien forcé d’être infecté

    Mais ça n’arrivera pas chez nous
    Nous on est propres et préservés
    Économes et intelligents
    Travailleurs et épargnants
    On est les plus rapides en tout
    Et on veut pas de ça chez nous

    Ensuite ce fut chez les ritals
    Et l’problème avec les ritals
    C’est que si passe la frontière
    C’est droit sur nos vertes clairières
    Et que ça parle avec les mains
    Que ça postillonne à tout crin
    Le virus dans leurs contrées
    N’a pas fini de s’amuser

    Mais ça n’arrivera pas chez nous
    Y’a qu’à bien fermer le verrou
    Et éviter les pizzerias
    Se recentrer sur les röstis
    Sur la télé les courses de skis
    Non ça n’arrivera pas chez nous

    Et c’est arrivé au Tessin
    Techniquement ça veut dire chez nous
    Mais chez nous qui parle italien
    C’est-à-dire un peu moins chez nous
    Trop de soleil, trop de palmiers
    Le gène helvète s’est étiolé
    Alors autant fermer le Gothard
    Un petit éboulement dare-dare

    Pour que ça n’arrive pas chez nous
    Et tant pis pour la polenta
    Le risotto de la Mamma
    On forcera sur la fondue
    On se soignera au fond du fût
    Pour que ça n’arrive pas chez nous

    Et puis ce fut chez le voisin
    Hans, le roi du cholestérol
    L’ambulance au petit matin
    Et ses poumons dans le formol
    Mais faut s’poser les bonnes questions
    Sa deuxième femme est brésilienne
    Il soutient des associations
    Serre même des mains nord-africaines

    Mais ça n’arriverait pas chez nous
    Tous ceux qui s’asseyent à ma table
    Ceux qui s’essayent à mon bidet
    Ils sont de souche impeccable
    Dignes de foi et de respect
    Et n’apporterait pas ça chez nous

    Mais j’ai peur, j’ai peur
    J’ai peur, j’ai peur
    Qu’on ne soit plus jamais les meilleurs

    Faut faire le test m’a dit le docteur
    J’ai répondu c’est pas la peine
    J’ai le bras fort et la vie saine
    Petit je bouffais du fluor
    Ado je cultivais mon corps
    En castagnant les plus petits
    En couchant les filles dans mon lit
    Je suis toujours fier dans mon slip

    J’ai jamais eu la moindre grippe
    Je me désinfecte à la gentiane
    Je ne trompe pas souvent ma femme
    Et je ne serre jamais la main
    Qu’à mes vieux potes contemporains
    Faut faire le test m’a dit le docteur

    Et j’ai peur, j’ai peur
    J’ai peur, j’ai peur
    Qu’on ne soit plus jamais les meilleurs

    Et j’ai peur, j’ai peur
    J’ai peur, j’ai peur
    Que l’on soit mieux soigné ailleurs

    Et j’ai peur, j’ai peur
    J’ai peur, j’ai peur
    Que les trains n’arrivent plus à l’heure

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