Ceux de Corneauduc

Sixième épisode

Chapitre III

‘aussi loin que remontaient les chroniques du Duché, la forêt de Minnetoy-Corbières avait mauvaise réputation. Bien que les loups en eussent été chassés depuis plusieurs années par les bons soins du Duc, des histoires couraient toujours chez les petites gens du village à propos de bêtes étranges, démoniaques, et d’esprits malins plus anciens que les murs du bourg. Ces histoires en faisaient sourire plus d’un en public sous le réconfortant soleil. Mais qui fanfaronnait devant ses pairs se signait discrètement dès que ses pas l’emmenaient aux abords de la forêt.

Seuls quelques bandits de grand chemin, coupe-jarret et autres filous sans foi ni loi osaient s’y aventurer la nuit venue, et peut-être était-ce là le seul véritable danger que pouvait receler la forêt de Minnetoy-Corbières. Il n’en demeure pas moins que personne ne se sentait rassuré sous ses hauts fûts où l’on entendait encore quelquefois, quand le vent venait du bon côté, les derniers râles des pendus depuis longtemps retournés à la terre.

Les braconniers se riaient bien de tout cela et chassaient Corneauduc avec belle gaieté malgré les interdits. Il était même une clairière qu’aucune piste n’indiquait, nichée au plus profond de la forêt, où, par nuit douce, les chasseurs se donnaient secrètement rendez-vous pour festoyer à la santé du Duc, sacrifiant pour l’occasion une des plus belles prises et buvant dru. Là, loin du curé et de l’infâme Martingale, on pouvait s’ouvrir le cœur et refaire la contrée librement. C’est lors de ces rares soirées, ces perles de nuit, que beaucoup de problèmes ont pu se régler à l’amiable, que des mystères furent élucidés et que le cocu serra la main de l’encorneur.

Gobert Luret et Alphagor Bourbier étaient toujours les derniers à quitter la clairière, effaçant les dernières traces de leurs libations, gardiens du temple.

***

Ce soir-là, la lune timide se cache sous un lourd voile de nuages. Sa faible lumière ruisselle entre les hautes branches de la forêt et parvient avec peine à se couler jusqu’aux bas taillis. L’automne pèse sur la forêt et dans les combes en d’épaisses chapes de brouillard qui ne se dissiperont qu’avec le matin naissant. Cette humidité froide pénètre jusqu’au cœur et grippe le courage de ceux qui osent braver la nuit. Les bottes se détrempent vite sur l’humus et la mort cherche à s’insinuer dans la chair par tous les pores. Une chouette hulule une plainte à glacer le sang. Deux ombres se figent.

– Pardieu ! Qu’était-ce, Alphagor ? Un loup ?

– Plutôt un spectre, ma foi... Ou une goule, que sais-je ?

– Braquemart, il suffit !

– Le Berthoux raconte qu’il s’est déjà retrouvé face à face avec un borgne pendu qui brillait comme luciole et crachait des vers par le nez. C’était un soir de lune noire. De peur il s’est fait parmi, ce qui a fait fuir le fantôme pis que lapin. L’odeur, tu comprends ? Ho ! As-tu entendu ?

Gobert se fige, le sang soudain bien froid, les genoux cagneux à s’embrasser de front.

– Oui, un grondement... tout près de nous...

– Ce n’est rien et ne crains plus. J’ai fait fuir un esprit malin !

Sa grivoiserie lui tire sonore rigolade. Gobert plus las qu’offusqué hausse les épaules, retrousse les narines et va plus avant dans les taillis que la nuit recouvre de mystère.

 
 

La grossièreté de Braquemart est-elle due à un complexe d’Oedipe mal résolu ?
Noé a-t-il pensé aux termites ?
Dès que le vent soufflera, est-ce que tu repartiras ?
Le brasseur est-il brun houblon ?
Si le prochain épisode est caché au fond des bois, comment le retrouver ?