Ceux de Corneauduc
Quatorzième épisode
Chapitre IV
Un silence se fait. Le vent siffle dans la nuit, alors que glougloutent encore les intérieurs du soldat qui passera sans doute convalescence à frotter ses vêtements dans le ru pour que peut-être ils reprennent un jour couleurs de la ducale bannière.
Un soldat plus courageux de voix que ses congénères, mais qui se courbe derrière les épaules fortes de ses devanciers afin de ne point trop prendre miasmes, se fait enfin entendre.
– N’as-tu vu ni ouï âme qui vive, meunier ?
– Pas âme qui vive, soldat.
– De tristes malandrins chassent Corneauduc, souillent la terre transmise à notre seigneur par lien de sang et de privilèges reçus de Dieu. As-tu connaissance de pareille infamie ?
– Je crains, soldat, que mes idées volent à des lieues de ces malsaines histoires.
– Si tu voyais bizarrerie, filouterie, crouillerie, mesquinerie ou canaillerie à ton huis, viendrais-tu nous le dire ?
– Sur-le-champ, soldat.
– Merci, meunier.
Sur ce, la troupe se retourne comme un seul homme et s’éloigne de la maison du meunier à petits pas, pour ne point donner l’impression de fuir. Le soldat tout vide s’est enfin remis sur pieds. Il tente de suivre les autres qui pressent le pas pour ne point subir cette présence peut-être contaminée, et en tout cas odorante.
Lorsque le danger s’est suffisamment éloigné, que battue s’organise de l’autre côté de la rivière aux ordres aigres de Martingale qui promet plus de fouet que de récompense à la troupe et aux mercenaires, Alcyde ouvre à nouveau ses volets pour profiter des étoiles, alors que ses amis redescendus du grenier piochent encore mollement dans l’eau de vie et que gamin s’est endormi près de flambée. – Tout de même, depuis le temps ils doivent savoir que je n’ai point la peste.
– Ils ne le sauront jamais assez, Alcyde, ils ne le sauront jamais assez. |