Ceux de Corneauduc
Vingt-deuxième épisode
Chapitre VII
Le Duc remue à l’aube. Ses songes s’assombrissaient parfois en cours de sommeil sans raison apparente. Il laissait à Martingale le soin de châtier les braconniers sans accorder plus qu’un intérêt poli aux jets de baves fielleux de son homme de main. Le Duc se retourne et sent un souffle frêle sur son visage. La respiration difficile de son épouse. La pauvrette. Ses intérieurs sont tout bouchés par le mauvais vent. Elle tousse, crachote, glaviote, expectore, se répand en bruits peu dignes d’une femme de sang bleu. Aussi baisse-t-elle la tête, se sentant indigne d’adresser la parole à son ducal époux. Le Duc respecte sa pudeur, bien que trop de pudeur depuis trop de nuits commence à lui monter au sang et à lui causer élancements douloureux... La liqueur de lignage grumelle entre ses jambes, lui coupe jusqu’à l’appétit ; mais là n’est point raison de réveiller sa tendre et douce moitié. La raidir, la refroidir, la forcer, pourrait la pousser à lui refuser descendance. Et les femmes sont capables de tout. Le mystère de leur ventre fait frissonner le Duc dans sa sueur saumâtre.
S’il se sentait besoin de se remettre fluide d’aplomb, il s’en irait faire campagne comme son père et payerait quelques filles d’auberge pour pourvoir à ses envies. D’ici là...
Sa main grosse et velue espère que l’ivresse du sommeil la fera passer pour tendre, changera grosse escalope de bœuf en filet de poulet. La peau de sa femme est douce, si douce, et légèrement humide... – Groioioinggg !!!
Le Duc sait que rhume peut rougir le nez, coller la gorge, bloquer le souffle. Mais ce grognement de contentement n’est point celui de la Duchesse. Grippée, vieillie ou égorgée, jamais sa douce voix n’aurait pu se transformer à ce point.
Le Duc allume chandelle, regarde, se frotte les yeux, regarde, se donne quelques gifles, regarde, se renverse le pichet d’eau sur la tête, regarde encore.
L’image ne change pas.
Achille le sanglier grogne de plaisir, tout poilu et boueux dans le lit ducal. |