Ceux de Corneauduc

Vingt-cinquième épisode

Chapitre VII

Martingale fut mandé en salle de torture par le garde, épuisé d’avoir couru le château pour le retrouver. Une goutte de sueur aigre se fige sur le front d’Eustèbe. Il sent l’humidité du cachot lui chatouiller l’échine, le chanvre râpeux se nouer à sa gorge...

– Monseigneur désire me voir à pareille heure ? Que diable me veut-il ?

– Je ne le sais, Messire Martingale.

– Évidemment que tu ne le sais, tête vide ! Pourquoi passerais-tu tes nuits planté devant une porte si tu avais matière à pensée dans ton crâne ?

Et Martingale épouvanté se tourne vers les exécuteurs de basses besognes qui, peu sensibles aux vents et humeurs du château, continuent à tanner le cuir du Baron.

– Si je ne suis point revenu dans une heure, tranchez la gorge de cette fripouille et allez jeter sa dépouille au fin fond des bois. Vous y gagnerez belle bourse !

L’œil des tortionnaires s’allume à ces mots. Ils n’en frappent que plus fort, arrachant au Baron des gémissements peu virils.

Martingale, les jambes tremblantes, va se réconforter d’une once de parfumade avant de frapper à la porte de la chambre ducale.

– Entrez !

Un fessier noir velu s’agite de bas en haut et de haut en bas sous les yeux étonnés d’un sanglier de bonne facture. Sous le fessier, on perçoit par instant la chair blanchâtre d’une jeune aide cuisinière qui n’a jamais été soumise à pareil entrain et à pareilles paluches et qui se mord les lèvres tandis que jaillissent larmes de ses yeux suppliants.

– Où se trouve ma ducale épouse, Martingale ?

– La Duchesse, Monseigneur ? N’est-ce point elle que je perçois céans sous votre séant ?

Il s’avance d’un pas et goûte à l’étendue de sa méprise.

– Bien sûr la Duchesse, Museau d’âne ! Crois-tu que j’ai goût à épousailler une gueuse. Et d’ailleurs, même si j’épousaillais une gueuse, elle deviendrait Duchesse par le saint sacrement et la bénédiction de ma sainte semence... Où est la Duchesse, Martingale ?

Martingale se pince les joues, les cuisses et se gifle le poitrail. Les idées défilent dans sa cervelle comme jamais.

Le gros sac de chair qui s’ébat sans pudeur aucune devant ses yeux est incapable de dissimuler ne serait-ce que les odeurs et bruits naturels de son corps, jamais il ne tendrait un piège à son aide de camp. Eustèbe avait été adoubé pour ses perversions et ses ruses acides... Si le Duc demandait sa femme, c’est qu’il avait perdu sa femme. Il n’avait point vent de la présence d’un Baron dans ses murs, et pire, dans ses geôles... Il restait une chance de s’en tirer au mieux. Mais Dieu du ciel, cela faisait beaucoup pour une seule nuit, trop pour une si petite contrée... Il faudrait tirer ça au clair, mais plus tard, plus tard...

– Et bien mon drôle ?! Qu’attends-tu ? Que regardes-tu ?

– Je... Pardonnez-moi, Monseigneur, mais il est fort rare que vous vous adressiez à moi en pareille posture.

– N’as-tu donc jamais vu un homme besogner ?

Sur ce le Duc semble pris de convulsions et la petite aide cuisinière à la peau rougie par l’étreinte ne peut retenir sa douleur.

– Il est vrai que tu n’as jamais fourni que piètre gouttelette et chandelle mal roidie !

Affaire finie et fier de sa plaisanterie, le Duc se roule sur le dos et vient buter contre Achille qui ne quitte la couche qu’après concert de grognements réprobateurs.

La jeune fille se retourne et se cache la tête dans les couvertures pour camoufler ses sanglots. Le Duc la console en lui tripotant la croupe d’une main distraite.

– N’as-tu jamais pensé à prendre femme, Eustèbe mon ami ?

– À vrai dire, Monseigneur, les affaires du Duché occupent tout mon esprit et, pour ne point faillir à mon devoir, j’ai précaution d’écarter de moi sujets de distraction. Seuls les intérêts de votre Seigneurie comptent à mon âme. Prendre femme, point ne le puis-je ; j’ai déjà épousé le Duché !

Le Duc chasse une mouche invisible du revers de la main pour bien signifier à Martingale à quel point il est dupe de telles flagorneries. Il la laisse retomber entre les cuisses de la jeune fille qui redouble de sanglots.

 
 

Est-ce qu’Yves se cherchait pendant que Simone s’ignorait ?
Le vieux singe connaît-il vraiment toutes les grimaces ?
Convient-il de hisser le foc hors des eaux taries ?
Préférez-vous l’ébat plastifié ou Léo Ferré ?
Le prochain épisode vous tournera-t-il le dos ?