Ceux de Corneauduc

Vingt-septième épisode

Chapitre VIII

essire le Duc,

« Depuis lustres et lunes, je me fâche de votre fief trop grand pour votre rude pogne meilleure à manier la cognée que le sceptre ou l’épée.

« Ma Baronnie est indigne de ma grandeur, de ma prestance et de mon raffinement, comme vous êtes indigne de votre Duché qui, s’il n’en est pas moins le plus petit, le plus congru, le plus ridicule que Terre de France n’ait jamais porté, reste trop doux cadeau de Dieu à votre trogne fétide !

« Insulte suprême au créateur, la fine beauté de cette épouse qui fut vôtre et qui sera désormais mienne. Si la douce Camilla vous est précieuse, venez dont la reprendre en mon donjon, je me ferai plaisir de vous tailler les oreilles, vous qui êtes comme une tache à la noblesse de France.

« Baron Robert-Joseph-Arthur
du Rang Dévaux »

Le Duc prend le parchemin entre ses doigts, tente vainement de déchiffrer, le rend à Martingale.

– C’est bien là ce qui est écrit ?

– Trois fois que je vous le lis, Monseigneur ! Regardez le sceau, c’est le sien !

– Ce fourbe a fait enlever ma femme en mon domaine... Quel affront, quelle honte... Que dois-je faire à présent ?

– Il me semble que tout ce parchemin vous le dit. Lever votre armée au plus tôt et faire rendre gorge à celui qui salit votre honneur et votre épouse de sa bave et de...

– Assez, Martingale ! Je saisis la salissure qui m’envahit. Si ce pourceau a touché ne serait-ce qu’à un poil de ma ducale épouse, je le fais empaler, pendre et écarteler avant de le jeter aux chiens !

Porté par son ire, le Duc enfile prestement quelques vêtements épars, dont certains craquent aux coutures et montrent dentelles peu masculines...

– Mais comment diable a-t-on arraché mon épouse à ma virile attention ? Il faudra interroger le garde qui l’a conduite aux latrines...

Martingale camoufle un sourire retors de son poing fermé.

– J’ai déjà pris mes... cette précaution, mon Seigneur. Il croupit au cachot en attendant question. Je m’en occuperai personnellement.

Le Duc s’escrime à entrer dans un sous-vêtement dont le satin s’effiloche aux assauts de sa rugueuse pilosité.

– Par les reliques de tous ces pisse-froid de Saints, ai-je tant forci du croupion pour ne plus entrer en culotte ?

Martingale renonce à dire au Duc qu’il s’habille en Duchesse. Qu’à cela ne tienne, sous l’armure il n’y paraîtra plus. L’arme au poing et le cul nu, le Duc s’en va réveiller son armée.

Tandis que le brouhaha de campagne emplit le château au matin, Martingale s’en retourne s’asseoir sur sa couche...

– Dieu du ciel, je suis fourbu ! Écrire cette lettre m’a épuisé... Le Duc a marché. Il va fondre sur la Baronnie du Rang Dévaux... Ça ne peut qu’agrandir ce qui, un jour, sera mon domaine. Encore faut-il s’occuper du garde... et de la Duchesse.

Comme une ombre se détache de l’encadrement de la fenêtre... Hector-Maubert de Guincy, aiguise une fine dague, remplit une fiole qu’il glisse comme par enchantement dans un repli de sa cape.

– La Duchesse, je m’en charge. Et gare à Petitpont s’il se tient sur mon chemin...

 
 

Comment imaginer une guerre si vile ?
Doit-on envoyer les casse-couilles au casse-pipe ?
Jésus, qui donc avait cru s’y fier ?
Est-ce du savoir-vivre que de faire une gueule d’enterrement à son mariage ?
Ferez-vous revenir le prochain épisode aux petits oignons ?