Ceux de Corneauduc

Trente-cinquième épisode

Chapitre IX

Remise de son émoi, la Duchesse retrouve vite son aplomb. Le sang lui bleuit les joues et elle parle d’une voix de glace qui provoque des frissons à la base de la nuque de Gobert et ailleurs sur l’anatomie de Braquemart.

– Messieurs, je vais faire appel à votre honneur et à votre vaillance. La guerre qui s’annonce souillera notre Duché. Il nous faut nous rendre prestement en Rang Dévaux afin de demander audience au Baron avant l’arrivée des armées du Duc, mon époux.

– Pourquoi voulez-vous donc prévenir le Baron ? interroge Alcyde Petitpont en croquant dans une pomme rougie par le soleil, posée bêtement là, à portée de sa main.

– Affaires de famille, de seigneurie, de lignage. J’œuvre pour Dieu, mon époux et pour ne point que coule le sang, proclame la Duchesse la main sur le cœur.

Elle ne se soucie point de ce qu’elle dit. Ces imbéciles seront prompts à croire n’importe quelle faribole.

Effectivement, Braquemart et Gobert ne demandent point d’explications parce que les mots entremêlés de seigneurie, de Dieu et de lignage leur résonnent un peu trop haut dans les oreilles. Seul le regard d’Alcyde Petitpont se teinte d’un nuage de suspicion, mais sa pomme a trop bon goût pour qu’il s’en mêle.

– Êtes-vous prêts à me suivre pour le prestige du Duché, Messieurs ? J’en appelle particulièrement à vous, Chevalier Bourbier de Montcon, qui combattîtes l’infidèle et dont la renommée légendaire éclabousse de gloire tout Minnetoy-Corbières.

Braquemart se débarrasse de la main de Gobert qui le muselle, comme on se débarrasserait d’une mouche de culotte, et dit, ombrageux comme ceux de la croisade, droit comme pique, les yeux rivés sur l’infini :

– Jusqu’à la tombe, votre Bonté !

Puis, fier de sa sentence et de sa posture, il se tourne vers Gobert.

– Allons remettre nos destriers sur pied.

Ils sortent et se dirigent vers les masses ronflantes censées leur servir de monture. Gobert en profite pour chuchoter à Braquemart les doutes qui l’habitent.

– Elle a les yeux qui ne disent point pareil que les lèvres, Alphagor, je sens là tristes présages, mauvais auspices et gorges sèches...

Le preux croisé toise son ami d’un infini mépris, se drape dans un courroux feint avec tant de cœur qu’il parvient presque à y croire.

– C’est la Duchesse, Gobert, notre souveraine devant Dieu. Nous lui devons respect, soutien et allégeance.

Et, tournant ostensiblement séant au lard sans couenne qui lui sert de compagnon, il entreprend de remplir musettes et gourdines, tandis que Gobert ranime Bourrue d’un bon seau d’eau dans les naseaux. La Duchesse les regarde faire, papillonnant des yeux.

– Vous monterez en croupe, votre Magnificence. Je sais manier les rênes et l’éperon. Vous ne sentirez pas la moindre secousse.

– Que nenni, mon brave. Je monterai seule ce maigre animal dont le peu de grâce m’indispose mais auquel ma légèreté fera tinter sabot comme sonate et non plus comme charge de soudards. Quant à vous, la monture de votre ami semble assez solide pour vous porter en vaillants compères.

Les gestes de Braquemart se roidissent mais il n’en continue pas moins sa tâche.

– Je suis fier de servir mon Duché et votre Lueur !

 
 

Quand un muet vous donne sa parole, faut-il le croire ?
L’homme invisible était-il l’agent secret du Royaume des Ombre ?
Elle voulait qu’il lui décroche la lune, lui ramena-t-il des croissants ?
Quand il se dit vendeur de matelas, est-ce une couverture ?
Le prochain épisode sera-t-il génétiquement modifié ?