Ceux de Corneauduc
Quarante-deuxième épisode
Chapitre X
Gobert lève les yeux à son tour et aperçoit son fils à califourchon sur haute branche, qui essaie vainement de se camoufler derrière feuillage.
– Bougremissel, que fais-tu donc perché au ciel ? Descends tout de suite, chenapan, je vais te chauffer les oreilles, moi !
Il ajoute pour Braquemart : – C’est vrai, il risque de tomber, idiot comme il est.
Mais Alphagor n’écoute point. Avachi contre l’arbre, il peine à reprendre souffle et ses pensées semblent serpenter à des lieues de là. Quand il se tourne vers Gobert, c’est pour demander d’une voix altérée :
– Où est passée la Duchesse, foutredieu ?
– Elle est partie sur Lucien, vers la forêt.
– Ça je l’ai bien vu, fosse à pattes. Je me demande pourquoi elle ne revient point.
– Peut-être se cache-t-elle à l’orée... Peut-être craint-elle que nous n’ayons point terrassé brigands... Il est vrai que nous l’avons échappé belle. Tu me dois fière chandelle, pas vrai, vieux sac ?
Braquemart sent la peur lui quitter le corps et l’orgueil lui monter aux joues. Il jette à son ami un regard de mépris avant de se lever, comme ragaillardi. Il passe près des corps inanimés d’Émile la Besogne et de Raoul le Rugueux. – Je ne les égorgerai point à terre, murmure-t-il, ce ne serait pas digne de mon sang. Allez, Luret, montons sur ta mule. Nous avons chemin à faire.
– Et Gamin ? Je ne peux pas le renvoyer au village, il se perdrait en chemin.
– Il nous suivra. Ce n’est pas Bourrue qui l’obligera à courir.
Le forgeron secoue les flancs de la mule d’une bonne talonnade et Bourrue daigne se mettre en branle après quelques grognements de protestation.
Gobert s’offre forte goulée à la gourde pour se remettre de ses émotions avant de la tendre à Braquemart. Nulle main ne s’en saisit. Un malaise naît en son ventre.
– Quelque chose ne va pas, Alphagor ? |