Ceux de Corneauduc
Quarante-cinquième épisode
Chapitre XI
ssis sur des sacs de jute fleurant bon la farine, Hector-Maubert de Guincy met la touche finale à son projet d’évasion. Voilà déjà trop de temps qu’il est impuissant à se mêler aux événements qu’il a ourdis si soigneusement ; le meunier paiera cher chaque minute perdue.
– Je lui réserve un marcassin de ma laie à ce porc...
Dans ses premières heures d’emprisonnement, de Guincy avait vidé une à une les bouteilles d’alcool de Petitpont sur la terre battue de la cave. Il s’était bien gardé d’y tremper les lèvres et se consolait du dépit du meunier quand il découvrirait ce désastre. S’il vivait jusque là...
Il avait bien tenté d’estourbir Alcyde quand celui-ci lui avait descendu pitance mais le meunier était plus méfiant que sa hure bonasse le laissait présager. Hector-Maubert en avait été quitte pour un grand revers de poêle sur le nez qui n’avait fait qu’attiser sa haine et sa soif de vengeance.
Et le temps presse et file et court. Les lattes du plancher étant disjointes, rien de ce qui s’est dit entre cet imbécile de Petitpont, ces lape-latrine de compagnons et cette scélératesse aux cuisses ouvertes à tous les vents ne lui a échappé. Martingale doit être prévenu dès que possible, mais pour cela il faut sortir d’ici.
Le seul obstacle entre lui et la liberté est ce meuble, un buffet probablement, qui fait poids sur la trappe qui ne possède ni loquet ni serrure. Il suffit donc de déplacer le meuble pour sortir d’ici, et le déplacer discrètement. Hector-Maubert finit de lier ensemble les éléments de sa machine. Un bout de bois, deux cerceaux de tonneaux redressés à la force des poignets et une corde tressée avec la jute des poches de farine devraient suffire à le sortir d’ici. Il monte à l’échelle et écoute ce qui se passe dans la pièce au-dessus. Il entend chantonner le meunier dont le pas lourd va et vient à l’autre bout de la pièce. Ce goret doit être encore au fourneau, mitonnant de quoi se faire péter panse encore et toujours. Patiemment, à l’aide d’un tampon du jute fixé au bout d’une branche flexible, passant entre les lattes du plancher, il oint les pattes du buffet d’une bonne couche de suif trouvé dans un pot sur l’étagère. Puis, avec d’infinies précautions, il glisse les minces lames de fer fabriquées à l’aide des cerceaux de tonneaux entre les planches et, les arc-boutant sur deux forts bouts de bois faisant levier sur les barreaux de l’échelle, il parvient à soulever de deux doigts le lourd buffet d’un côté, puis de l’autre. Cette manœuvre lui permet de badigeonner le dessous des pattes du buffet ainsi que le plancher tout autour d’icelles.
Ainsi, à l’aide de ces lames, il pourra faire glisser aisément le meuble et régler ses comptes avec Petitpont.
Il suffit d’attendre que le cher homme sorte un instant de la cuisine... |