Ceux de Corneauduc
Quarante-sixième épisode
Chapitre XI
– Douce mixture et chaude masure sont mamelles de bonheur.
Petitpont enfourne une bonne brassée de bois qu’il vient de quérir contre le mur du moulin. Le feu crépite et les bûches craquent. Sa grosse pellette de bois touille la soupe épaisse. L’œil d’Alcyde Petitpont luit à la flamme. Une grand carafon à portée de sa main étanche la bonne soif du travailleur. Quelques braises s’envolent. Petitpont interrompt son geste. Il tend l’oreille. Un doute se forme en lui. Son cœur se rétracte. C’est comme peur qui point. Alcyde Petitpont a coutume de vivre sans crainte. Ce grésillement dans son ventre lui déplaît tant qu’il en lâche pellette et se retourne vers la cave.
La trappe est ouverte. Par quel prodige Hector-Maubert a-t-il déplacé le lourd buffet depuis l’intérieur de sa geôle ? Petitpont ne le sait. Il hume l’air. Il sent une présence vénéneuse dans son dos.
– Meurs, Meunier !
La broche pointée vers le ventre de Petitpont, Hector-Maubert jaillit d’une encoignure. Petitpont se retire d’un pas. La main vive, il se saisit d’un tabouret dont il se sert comme bouclier. La pointe de la broche vient se ficher dans le bois. Hector-Maubert cherche à retirer son arme, mais il ne le peut. Alcyde tient fermement les pieds du tabouret. Il fait danser le bucellaire dans la pièce.
Hector-Maubert comprend qu’il ne peut lutter contre la force saine du meunier. Bave aux lèvres, il se résigne à lâcher son arme. Le meunier lève le tabouret pour lui asséner un bon coup de bois lourd sur le chef. Mais le bucellaire a l’instinct des félins traqués. Il bondit, brise la fenêtre et roule sur le sol.
Il fuit déjà à toute jambe. – Je te retrouverai, Meunier.
Alcyde Petitpont le regarde faire, accoudé à la fenêtre brisée. Il hausse les épaules.
– Il me faudra mander vitrier. Mais avant cela, il convient de faire choses sérieuses.
Et il retourne touiller sa soupe. |