Ceux de Corneauduc
Cinquante-troisième épisode
Chapitre XII
e Duc Freuguel-Meuzard-Childéric de Minnetoy-Corbières parvient à hisser sa carcasse au sommet des collines de Frontnu, un peu avant midi. Il observe longuement les terres qui s’étendent devant lui, point tant pour réfléchir mais pour que souffle lui revienne. Massés autour de lui, mercenaires et volontaires attendent ses ordres, se pourléchant déjà du carnage à venir.
Le Duc n’est point de tempérament guerrier. Il ne lui déplaît certes pas de défoncer le crâne de l’ennemi ou de faire saigner au fouet le vassal rebelle mais, en fait de combat en plein air contre un ennemi bien vivant et décidé à se défendre, il préfère de loin la chasse. La chasse est bonne pour l’homme ; elle lui permet de se détendre tout en gardant bien aiguisés ses appétits guerriers. L’après-chasse trouve toujours le Duc fort gaillard et gare à la fille d’auberge qui lui tombe entre les pattes ! Mais guerroyer... Voilà occupation foutrement fatiguante et dangereuse. Or fatigue et danger sont engeances dont le Duc se méfie à bon droit.
Toutefois, deux îles en son cœur sont inviolables. Ses terres de chasses, avant tout, et son honneur. Quiconque souille du pied l’un ou l’autre de ces sanctuaires s’encoure le juste courroux du Duc. En lui soutirant épouse et future mère de sa descendance, le Baron Robert du Rang Dévaux, maudit soit son nom, a attenté à son honneur. Le Duc y réfléchit depuis deux nuits sans parvenir à ne point se sentir offensé. La guerre est la seule réparation possible. Guerre donc il y aura !
Ce premier assaut n’est que mise en bouche car la route est encore longue jusqu’au village du Rang Dévaux. Mais les hommes renâclent d’impatience ; il leur faut combats, tueries, et vite. De plus, certains commencent à maugréer pour la solde qui tarde à résonner au fond de leur gousset. Le pauvre hameau de Pommanoir-en-Rivière, possession de la Baronnie depuis trois générations, est donc cadeau de la providence. Ces quelques paysans armés de fourches ne sauront opposer mâle résistance. Ainsi tout sera terminé pour le repas du soir où il y aura cochons à griller et jouvencelles à forcer. L’armée prend lentement positions autour des terres du village. Un enfant berger est le premier à apercevoir la bande armée. Il laisse là ses moutons et se sauve à toutes jambes vers le village pour donner l’alerte. Des archers décochent quelques flèches en pure perte ; l’enfant est déjà trop loin.
Le Duc défouraille et pointe une épée menaçante sur le hameau. Se haussant sur ses étriers, il harangue ses troupes :
– Pillez, mes braves, pillez à votre guise ! Ce village et tout ce qu’il contient est à nous. Ruinez-moi les terres de ce Baron félon ! |