Ceux de Corneauduc

Cinquante-septième épisode

Chapitre XIII

ustèbe Martingale pose une main sur son cœur et de l’autre cherche le flacon d’essence de benjoin trônant sur sa table de chevet. Il s’en envoie une bouffade en pleine narines afin de calmer l’émoi qui menace de lui faire tourner de l’œil.

– De Guincy, si ces rustres m’ont déjà occis le Baron tout est perdu et nous risquons la hart. Attendez-moi ici, je cours au cachot.

Il enveloppe ses maigres oripeaux dans sa toge violette et file à toute allure dans les couloirs ténébreux du château.
Hector-Maubert de Guincy s’assied sans vergogne sur le lit en tirant soigneusement les plis de sa cape pour ne point la froisser.

– Sachez mon très cher maître que vous seul risquez la hart. Je vois toujours d’où vient le danger et n’est pas né qui saura me surprendre.

Il n’en caresse pas moins cette bosse à l’arrière de son crâne, souvenir de son expédition au moulin de Petitpont, ce qui lui arrache un sourire carnassier : « Et s’il est né il ne vivra plus longtemps ».

***

Les pensées de Martingale sont aussi sombres que les corridors qu’il suit : « Le Baron, il me faut la signature du Baron. La Duchesse n’aura de cesse tant qu’elle n’aura rejoint le Duc et alors, bien que sot pis qu’outre, il comprendrait tout. Seule une lettre du Baron la fera revenir. Fasse que le Baron respire encore ou c’en est fait de moi ».

Martingale ouvre la porte du cachot à la volée.

– Où est le prisonnier, misérables ?

Mais la geôle est vide et Eustèbe doit se tenir au mur pour ne point s’écrouler. Tout est fini ; ces faquins de gardes se seront lassés de jouer avec le prisonnier et l’auront exécuté séance tenante. Ils doivent déjà être en forêt pour enterrer la charogne dans quelque fosse discrète.

Une traînée de sang, dont émerge ça et là des lambeaux de chair, montre le chemin emprunté par les gardes et leur fardeau. Pris d’un accès de colère et bien décidé à la faire passer sur ces gardes farauds trop rapides en besogne, Martingale suit cette piste à longues enjambées. À cette heure, tout le monde dort au château. Les bourreaux, sûrs d’eux, n’ont pris aucune précaution et sont montés directement vers les cuisines. C’est là qu’Eustèbe surprend un des sbires de Roland Meurefisse, le tortionnaire en chef, à quatre pattes sur le carrelage. Il est fort occupé à récurer le sol de tout le sang répandu. Martingale le fait rouler par terre d’un coup de pied dans les reins.

– Où est le prisonnier, misérable ?

Le garde le regarde avec les yeux de qui a vu un spectre.

– Mais nous avons suivi vos ordres, maître Martingale.

– Où est le prisonnier, misérable ? Le Baron, où est-il ?

Le garde déglutit péniblement.

– Comme nous avions tous les jointures en sang à force de taper sus, Meurefisse a eu l’idée de l’emmener aux chiens. Les pauvres ne mangent jamais à leur faim et puis ça fait une distraction. Moi je suis de corvée car j’ai proposé d’achever le prisonnier avant.

Martingale n’écoute pas la fin des explications. Déjà il traverse les cuisines et sort dans la cour. Du chenil montent des aboiements sauvages et des rires mauvais.

 
 

Un agenda imperméable ou un aquaplaning ?
Les faux cils vieillissent-ils ?
Est-ce que la pituite vient en mangeant ?
Les preuves américaines ou l’épreuve irakienne ?
Le prochain épisode crèvera-t-il la gueule ouverte ?