Ceux de Corneauduc
Soixante-sixième épisode
Chapitre XIV
Le premier étage est frais et l’air y est respirable. Loin des miasmes de la salle à manger, la Duchesse semble retrouver conscience. Ses yeux s’entrouvrent et elle regarde autour d’elle sans voir ce qui l’entoure. Alphagor Bourbier est à son chevet. Il s’est endormi aussitôt sur un tabouret et ronfle puissamment, un filet de bave lui coulant sur le menton. Hilda Van der Klötten passe un linge humide sur le front de Camilla alors que Gamin se dandine d’un pied l’autre dans l’embrasure de la porte.
– Voilà, ma Dame, ce n’était que pâmoison passagère. L’air de la taverne est lourd au souffle d’une femme dans votre état, aussi forte que vous puissiez être...
Au travers le plancher monte un boucan infernal à croire que les convives sont à broyer tout le mobilier. La voix de Hans Van der Klötten tonne pour calmer les esprits mais ce n’est que courte accalmie. Le chant n’en repart que de plus belle et les coups portés sur les tables ébranlent les murs, faisant pleuvoir une fine pluie de poussière du plafond de la chambre. Lorsque Gobert mime tourment du chambellan prit de la danse de saint Guy et donne du chef contre la poutre maîtresse de la maison, Braquemart grommelle un bout de refrain et choit de son siège pour se rendormir incontinent. Hilda hausse les épaules, lasse de ces faiblesses d’ivrogne, et sort Braquemart de la pièce en le traînant par les pieds.
– Sors-toi aussi, dit-elle à Gamin, ce qui se passe ici n’est point pour godelureau de ton âge.
Elle s’en retourne vers Camilla Clotilda qui la regarde fixement en fronçant ses fins sourcils.
– Qu’entendez-vous par « une femme dans mon état », ma bonne dame ?
Hilda pose une main protectrice sur le ventre de la Duchesse et lui sourit d’un air entendu.
– Mais cet enfant que vous portez. Oh ! Vous devez être la plus heureuse des femmes, belle Dame ! |