Ceux de Corneauduc
Soixante-huitième épisode
Chapitre XV
orsque Freuguel-Meuzard-Childéric, Duc de Minnetoy-Corbières, ouvre les yeux, la douleur sourde qui lui monte de bas-ventre ne lui laisse pas seconde de répit. Ses mains s’accrochent au pourpoint du Chevalier de Vailles, l’un de ses plus fidèles aide de camp, qui se tient penché sur lui.
– Vailles, mon fier Vailles. Je souffre pire martyr de la création. Que me vaut tel prédicament ?
– Une affreuse mégère vous a abattu d’un coup de fourche, Monseigneur. Cette vilaine vous a pris en traître alors que vous guerroyiez.
Les souvenirs du Duc se remettent en place dans son entendement. Un spasme de douleur lui arrache grimace.
– J’ai l’impression que bas-ventre m’est devenu gouffre.
– L’image est hardie, Monseigneur, mais il y a malheureusement du vrai dans vos paroles.
– Je... Puis-je voir ma virile pique ?
– Il ne vaudrait mieux pas... Je le crains. Et il vaut mieux laisser en place le cataplasme de crottin de chevreau qui vous a été fait.
Le Duc relâche son étreinte et se laisse retomber sur sa couche. Le mauvais drap est entièrement rougi de son sang. Le mal l’empêche de bien penser mais souvenirs de mauvais augures défilent en son âme. Sa femme dans les pattes de du Rang Dévaux, son avancée victorieuse brisée par une furie...
– Dieu, je le crains, ne m’est pas d’heureux auspice en ce jour. Je vais me reposer un peu. Puis nous reprendrons l’assaut à la pique du jour. Qui donc parmi vous m’a soigné ?
Un homme aux grosses paluches ensanglantées s’avance et s’accroupit vers lui.
– Moi, Monseigneur. On m’a confié cet honneur et j’espère m’en être acquitté au mieux.
– Qui es-tu donc ? Je ne crois point te connaître.
– Ma mère me nomma Pierre Maroisse il y a juste trente ans. Je suis baptisé en sainte église de Minnetoy-Corbières.
– Maroisse ? Le boucher ?
– Boucher et volontaire en votre grande armée, Monseigneur !
– Le Duc se tourne vers le Chevalier de Vailles et sa voix qui se veut tonnerre lui reste en gorge, cassée d’angoisse.
– Le boucher !? Mais comment se fait-il qu’un boucher m’ait soigné ? |