Ceux de Corneauduc
Septantième épisode
Chapitre XV
L’avant-garde de l’armée du Duc, ivre de ses succès, avait, après quelques ripailles, continué son chemin de feu et de sang à travers la Baronnie, sûre de franchir les portes de la ville du Rang Dévaux avant même que les gardes n’eussent fait sonner le tocsin et retomber la herse.
Mais la Marthe Coulombier connaissait région de sa naissance mieux que personne. Elle avait chevauché par sentiers et forêts et donné l’alerte en capitale. Au passage des bosquet d’Antioche, archers et arquebusiers attendaient les assaillants qui galopaient en cris, avides d’autres gorges à trancher et d’autres croupes à pétrir. L’avancée de l’armée de Minnetoy-Corbières fut brisée sec. Certains braves survécurent. Quelques téméraires et quelques sages : les téméraires qui s’en allèrent tâter du canon et du guet-apens à portée de du Rang Dévaux dont ils goûtent depuis la fraîcheur des geôles, les sages qui s’en retournèrent un à un pour quérir ordres de leur Suzerain et se trouvent maintenant en hameau de Pommanoir-en-Rivière. Ne restent autour d’eux que ruines brûlées et fort peu à se mettre en gosier. La triste figure du Duc leur brise courage. Ils attendent, sans gueule et sans chant, que le Duc daigne sonner la retraite.
Le Chevalier de Vailles, soutenu par quelques conseillers, tente vainement de convaincre Freuguel-Meuzard-Childéric que son état ne lui laisse guère loisir de guerroyer.
– Duc de France oncques ne renonce, répond inlassablement le Duc en se mordant les lèvres au sang tant il lui paraît que buisson de ronces et tisons rougis sont enfoncés en son être et lui mangent les chairs.
Au crépuscule, comme il fait fièvre, on lui passe chiffon humide sur le front et on lui fait boire bonnes lampées d’alcool de blé qui a remis tant d’honnêtes vilains sur pieds aux jours de labour. |