Ceux de Corneauduc
Septante-deuxième épisode
Chapitre XVI
ector-Maubert arrête son cheval en bordure de clairière. On fait ripaille en l’auberge et les éclats de voix indiquent que plus personne ci-dedans n’a sens aux aguets. Mais le bucellaire n’est pas homme à prendre de risque. Il sort de musarde quatre chiffons qu’il noue aux sabots de sa monture. Il s’approche encore, attache son cheval à un châtaignier, juste en retrait de l’auberge, pour se ménager une fuite si besoin se fait. Jamais, même au plus lointain du sommeil, Hector-Maubert ne s’accorde réel repos. La vie est mortelle à chaque homme, mais plus encore aux mercenaires. Et Hector-Maubert se jure bien de ne jamais accorder à l’ennemi la moindre chance de le prendre hors de ses gardes.
Le bucellaire tente un œil à la fenêtre. A l’intérieur, on fait liesse, ripaille et beuverie impénitente. Hector-Maubert ne peut retenir un grognement de satisfaction. Son flair ne l’a pas trompé. Il reconnaît le gros soiffard, le forgeron cocu, qui mime, debout sur la table et chopine à chaque main, gestes indignes en mouvements de hanches qui font rire l’assistance à hoquets et à larmes.
Il a suivi juste chemin. La traversée par les forêts où sévissent Anzyme la dent noire et autres coquins de triste acabit n’est point route la plus aisée pour gagner du Rang Dévaux, mais assurément la plus courte. Et comme la Duchesse est de nature impatiente... Il ne fut pas difficile de lui retrouver trace.
Hector-Maubert avait quitté Minnetoy-Corbières alors que Martingale s’échinait encore au chenil. Quoi qu’il advint du Baron, il ne fallait pas laisser la Duchesse rejoindre son ducal époux. La femme décidée peut en une nuit de couche mettre à bas logique et résolution de l’homme. Retirer la Duchesse à sa nuit, lui montrer plus de pouvoir et de preuves qu’il n’en existe et cela avant qu’elle ne puisse papillonner des paupières et de la croupe devant son époux, là était le seul moyen de l’avoir à sa botte, de mettre à travers elle la patte sur le Duché. Hector-Maubert et Martingale ne le savent que trop. |