Ceux de Corneauduc
Septante-troisième épisode
Chapitre XVI
Cette auberge est construite sur deux étages : une grande salle au rez-de-chaussée, où l’on fait ripaille, et un premier plancher où doivent se situer les chambres. De Guincy glisse à nouveau un œil par le carreau crasseux et regarde attentivement à l’intérieur. La Duchesse n’est pas dans la salle, c’est donc à l’étage qu’elle se trouve. Le grand escogriffe, ce soi-disant croisé, est sans doute en sa compagnie. Cette truie ne sait vraiment que se vautrer dans la fange.
Hector-Maubert s’éloigne un peu du bâtiment, cherchant fenêtre ouverte pour lui permettre d’entrer. Ce faisant, il pose pied sur une forme molle qui émet un gémissement. Dragon des Flandre aurait déjà cracher ses flammes, loup des Cévennes sorti ses crocs. Il n’y a donc point là raison de tirer dague pour prendre péril à la gorge. Hector-Maubert attend que ténèbres se dissipent à ses yeux. Point de doute, c’est un homme qui gît là sous sa botte. Serait-ce le chevalier de Montcon qui cuve dernière tournée ? De Guincy se penche ; il ne s’agit que d’un jeune barbu à l’air fat et au nez éclaté. Un grand coup de semelle derrière la nuque et le bellâtre retourne en profondeur du sommeil.
L’arrière de l’auberge semble propice à l’aventure. Le bucellaire se colle au mur. Ses doigts se collent aux aspérités du bois et de la pierre. Peu à peu, il se hisse. Son corps de reptile ondule vers son but, la grande fenêtre à meneaux. Dans la pénombre, Hector-Maubert devine la forme endormie sur le lit. D’où il se trouve, il ne peut reconnaître la Duchesse, mais il ne doute point que ce soit elle qui dorme, épuisée par trop longues bagatelles, repues par les paillardises des hommes.
Le bucellaire tâte en poche la fiole qui tiendra sa proie en sommeil le temps qu’il conviendra. Il pousse le battant. Le fenêtre n’est même point même fermée. Hector-Maubert sent un fin sourire se dessiner sur ses lèvres. Cette mission est affaire de novice. Un fantassin de basse œuvre pourrait l’accomplir. |