Ceux de Corneauduc

Quatre-vingtième épisode

Chapitre XVI

Et le chevalier Alphagor Bourbier de Montcon déboule l’escalier cul par dessus tête et s’écrase au sol de l’auberge comme bouse molle.

Le fracas est tel que l’assistance, tout imbibée et hébétée qu’elle soit, tourne la tête pour savoir quelle tempête se lève encore sur cette soirée déjà bien mouvementée. Braquemart remue sur le sol tel une fourmi demandant à être achevée.

– Mimile, as-tu vu ?

– Bran de bouc ! C’est le chevalier aux quatre mains !

Braquemart tente de se relever mais retombe face contre terre en gémissant.

– Il me semblait bien que le gros braillard assoiffé de tout à l’heure me disait quelque chose.

– Bourse en berne ! qu’il est bon de voir ce bravache en si mauvaise posture !

– Et si Dieu tout puissant ne nous foudroie sur place, je crains que ses affaires ne vont guère s’arranger !

Et les compères s’avancent en dégainant leur rapière.

C’est alors que Fanchon intervient. Elle sait que parole n’a guère de poids à l’heure des comptes de bout de nuit, que les soubrettes qui ne veulent pas se faire rosser ont intérêt à tenir leur langue mais, manifestement, son héros dont le nez saigne méchamment au sol et qui roule des yeux vides à plat ventre sur le plancher n’est point en mesure de se défendre. Et l’écuyer qui chantonne encore en bout de salle a les yeux qui ne sont plus en face des trous. Il ne reste qu’elle.

Elle se plante devant les deux brutes, sans trop savoir ce qu’elle va dire, priant le Seigneur de lui offrir la bonne inspiration. En certaines nuits, le Seigneur sait se montrer clément.

– C’est lui, c’est lui, dit Fanchon en désignant Braquemart, c’est lui qui de deux doigts seulement a congédié le Montpensois. Tout le monde ici l’a vu !

Émile la besogne qui avait déjà relevé le bras à hauteur de visage pour souffleter l’importune retient son geste.

– Insinues-tu que c’est ce bretteur de peu de style qui s’est empoigné le Montpensois ?

– Oui, Messire. De deux doigts, comme je vous l’ai dit.
Hans Van der Klöten acquiesce en rigolant, les mains sur la panse.

– Ce fut là fort belle rixe. Je suis sûr que vous auriez apprécié en connaisseurs.

– Bien, résume Raoul le rugueux, s’il est clair que nous devons nous venger de cet homme en le savatant jusqu’au sang, il est clair aussi que nous avons donné parole d’offrir chopine au cogneur de Montpensois.

– Juste. Reste à savoir comment procéder. Rossons-le nous ou abreuvons-le nous ?

– Si nous le rossons, sûr qu’il commandera chopine aux enfers ! De ce fait, nous économiserions piécette.

– Mais l’assistance ici présente nous entendit promettre tournée. Elle pourrait se dire et colporter à loisir que nous sommes sans parole, et pire, atteints d’avarice.

– Une bonne tournée générale leur prouverait le contraire...

– Mais serait beaucoup plus onéreuse...

– On pourrait ne le rosser qu’à moitié. Pour boire, point n’est besoin de dents !

– Cela ne sera pas, conclut Raoul. Relevons cet homme et buvons avec lui ce qu’il peut boire. Il sera toujours temps de le rouer plus tard !

 
 

Quel verrat vivra ?
Est-ce que la Croate coupe sans fin parce qu’elle a la dalle, ma scie ?
Dois-je trouver une maîtresse écossaise pour que jamais son corps ne m’use ?
Quand on meurt de soif en mer rêve-t-on que la rive est là ?
Le prochain épisode a-t-il un goût douteux ?