Ceux de Corneauduc

Cent vingt-septième épisode

Chapitre XXIII

Braquemart fait mine de se rasseoir, comme si salive lui manquait, lorsque paraît Hans Van der Klötten, qui ploie sous le poids d’une lourde barrique qu’il mène jusqu’à la table en ahanant.

– Messires, dit-il en s’essuyant le front, j’ai vu que vous aviez encore grand soif. Aussi me suis-je permis d’y parer. Goûtez, je vous prie, le meilleur vin de tout le Duché.
Braquemart plonge godet, clapote de la langue, et ses yeux s’illuminent aussitôt.

– Et croyez-vous qu’il en était fini de péripéties ? Que nenni ! Du Rang Dévaux, le malfaisant, dispose d’une lourde cavalerie. Il nous rattrapa en forêt de Pommanoir-en-Rivière. La lutte était inégale. Ce pendard en voulait à notre peau. Arcs et arbalètes se tendaient déjà. La fuite ne nous aurait menés à rien, sinon à Dieu. Mais Dieu attendrait. Tout soudain, j’éperonnai Lucien et fonçai sus nos assaillants en hurlant tel une horde de cosaques. Ils s’attendaient à tout, ces pense-flasques, mais point à telle volte-face. Je désarçonnai du Rang Dévaux avant même qu’ils ne pussent tirer et nous roulâmes au sol. Le Baron se défendait comme un lion, certes, et plus d’une fois je faillis mordre la poussière alors que nous roulions pêle-mêle dans le fracas de nos armures entrechoquées, mais rien n’aurait pu briser mon étreinte. Les mercenaires du félon nous regardaient sans oser tirer de peur d’atteindre leur suzerain. Finalement, je mis ma dague sous la gorge du retors nobliau et le forçai à se relever. Lorsque l’on tient son chef, une armée n’est rien. C’est ainsi que, gardant le Baron en otage, nous pûmes briser le cercle de nos assaillants, quitter le territoire de du Rang Dévaux et mener, au terme d’une longue course, notre bien-aimée Duchesse en sécurité entre ces murs.

Et Braquemart replonge godet, fier de lui, quêtant bravos et hourras, saluant presque.

– À d’autres !

Le Chevalier de Vailles avait senti le rouge lui monter aux joues tout au long de cette dernière tirade d’Alphagor. Et comme le Duc considérait son verre avec le sourire béat de qui voit par-delà les choses, il était de son devoir de réagir et de confondre l’imposteur.

– À d’autres, Bourbier ! Votre épopée est cousue de fil blanc. Même enfants et sots ne sauraient y prêter foi ! Vous n’avez point pu charger le Baron avec votre misérable rosse !

– Oh que si, Messire ! Et je lui ai travaillé le visage du poing à lui faire craquer tous les morceaux durs qu’il y avait à l’intérieur. N’en aurions-nous eu besoin pour nous permettre de nous échapper que je lui aurait passer ma lame de par le ventre.

Vailles regarde la Duchesse qui ne baisse pas les yeux. Soutiendrait-elle pareille invraisemblance ?

– Alors que ce fait que nous ne le voyions pas, votre prisonnier ? Pourquoi n’est-il point là, à genoux, pour mendier clémence ducale ?

Braquemart semble un instant décontenancé. Il vide lentement son godet. Ses pensées vont vers le noir filou qu’ils ont ramené inanimé de la colline aux pendus...

– Je pourrais vous l’aller chercher, Vailles, mais même si je vous le présentais, je ne suis point sûr que vous le reconnaîtriez !

– Fadaises, sottises et calembredaines, hurle le chevalier. Le Baron a défendu son fief de notre assaut et se porte comme un charme en son castel. Vous mentez, Alphagor Bourbier de Montcon ! Vous mentez ! Je vous en demande humblement pardon, Duchesse, mais des choses devront être tirées au clair sitôt que le Duc aura retrouvé esprit.

La Duchesse blêmit mais reste coite, les lèvres scellées.

Braquemart inspire longuement prêt à offrir une nouvelle tirade à l’assistance et à moucher ce cuistre à l’imaginaire de poutre moisie. Il ne le peut : la porte s’ouvre en grand et paraissent quatre soldats.

– Messire le Duc, portez donc l’œil à ce que nous avons trouvé... Les deux là disent qu’il est de noblesse et qu’il a besoin de soins.

Les soldats s’écartent pour laisser entrer étrange cortège constitué de deux hommes portant brancard de fortune sur lequel gémit doucement un troisième dont le visage n’est qu’une plaie.

L’œil de Braquemart s’éclaire alors qu’il reconnaît Alcyde Petitpont. Mais déjà Vailles jette ses ordres aux quatre soldats.

– Écartez-moi d’abord le pestiféré, ordonne Vailles en désignant Petitpont, que je puisse voir cet homme de plus près.

Un garde pousse sans ménagement le meunier vers le fond de la salle, de même que Guillaume Bouilluc qui semble près de succomber d’effroi. Le Chevalier de Vailles pose genou prêt du brancard.

– Cet homme n’a plus face chrétienne, qui saurait dire qui il est. Mais cette main à l’ongle du petit doigt très long... serait-il possible que...

Braquemart manque en avaler son godet mais se ressaisit incontinent.

– Me croirez-vous maintenant ? Voyez comme je lui ai arrangé le portrait à votre Baron maudit !

 
 

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