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Something I Can Never Have – Nine Inch Nails

J’ai découvert Nine Inch Nails en regardant un couple s’engueuler dans le désert…

  1. Le film Tueurs-Nés d’Oliver Stone sortait alors sur les écrans. Une histoire de violence et de frustration, celle de deux amants qui prennent la route, se droguent, tuent tous ceux qui se mettent en travers de leur chemin. Et donc, la fameuse scène dans le désert où, complètement fracassés, Mickey et Mallory se disputent comme des chiffoniers, préfigurait une histoire d’amour musicale qui dure encore maintenant, plus de vingt ans après la première vision du film.

On m’avait déjà parlé de Nine Inch Nails bien sûr, de Trent Reznor, le « roi du rock industriel », et patati, et patata, je n’y entendais rien, je n’avais d’oreilles que pour la musique électronique, pour moi le rock était fini, les raves avaient remplacé les concerts. Fin de l’histoire.

Mais quand les première mesures de « Something I Can Never Have » ont fait leur chemin entre deux bordées d’injures prononcées par les amants maudits de Tueurs-Nés, il y a eu comme un bruit de verre brisé dans ma poitrine. Sans savoir qu’il s’agissait d’un morceau de ce groupe dont on m’avait tant parlé, j’ai senti un truc que je n’avais pas senti depuis longtemps : le rock n’était peut-être pas tout à fait pas MORT.

My favorite dreams of you still wash ashore
Scraping through my head ’till I don’t want to sleep anymore

La musique de Nine Inch Nails était faite pour moi. Oui, j’ai ressenti une sympathie immédiate avec les textes de Trent Reznor, ce parangon de la mise en chanson des tourments de l’âme humaine : la colère, la frustration, l’autodestruction, les regrets et ces élans adolescents qui font le fond de commerce de Nine Inch Nails, ça m’a parlé… Et ça me parle toujours. Et puis, il y avait une communion d’exigence musicale et de pensée entre fans du groupe, c’est un peu ridicule, mais on avait peut-être l’impression d’appartenir à une élite, ce mot tellement galvaudé.

You make this all go away
You make this all go away

Le plus bel exemple des émotions que procure la musique de Nine Inch Nails, je le dois à un de mes meilleurs amis. Ayant failli être emporté par une atroce maladie du sang, il avait décidé, à peine remis, de se joindre à nous pour aller voir Reznor & Co. en concert. C’était en 2012, je crois. Au moment du final, alors que l’immense Hurt résonnait sur la plaine du festival, j’ai vu mon pote qui pleurait d’abord doucement, puis tout son corps a été secoué de sanglots. Il vidait enfin son sac – après toutes ces épreuves – et ça m’a touché au fond du cœur.

Je n’oublierai jamais ce moment.

This thing is slowly taking me apart
Grey would be the color if I had a heart

Mais à l’époque de cette découverte, en 1994 donc, j’étais encore un chien fou, solitaire, perdu et plein de rancœur. La rage de Nine Inch Nails nourrissait littéralement la mienne : la sérénité n’est venue qu’après. J’avais l’impression, à l’époque, que ma vie était sans objet et que la réussite de mes entreprises était contrecarrée par le mauvais sort. Alors forcément, ces chants désespérés (qui sont les plus beaux, comme l’a écrit si justement Musset) ont trouvé un écho favorable en moi, un terrain fertile.

I just want something
I just want something I can never have

Il y a une tristesse insondable dans cette chanson.

Mais cette tristesse, je l’ai laissée suivre sa route, et ai pris un autre chemin, il y a longtemps déjà. Car il vaut sans doute mieux embrasser la vie et se battre plutôt que de chercher des excuses à ses propres manquements.

Nicolas Metzler

 

Tom Traubert’s Blues – Tom Waits

Il n’y a aucune autre chanson qui me tire autant les larmes que Tom Traubert’s Blues de Tom Waits.

Je ne l’ai pas choisie parce que la voix rauque de son interprète me rappelle ces longues années d’amour avec mes clopes, ces amies de fête, de joie comme de galère, que j’ai désormais abandonnées sur le bord de la route. Je ne l’ai pas non plus choisie parce que Tom Waits est roux et frisé, et que je me sens faire partie de cette communauté solidaire des gens qui en ont soupé étant ados pour cause de fibre capillaire marginalisée. Je ne l’ai également pas choisie parce que choisir Tom Waits, c’est choisir le plus sûr moyen d’éviter les jets de pierre des pédants du monde de la musique.

Je l’ai choisie parce que, pour moi, c’est la plus belle chanson du monde. Et si quelqu’un venait à dire que ce n’était pas le cas, je le prendrais personnellement. C’est une de ces chansons qu’on découvre jeune, par le biais des parents. Je me souviens encore me demander comment il avait fait, ce Tom Waits, avec sa ganache pas possible et sa voix de vieille grand-mère crochée à ses gitanes, pour sortir un disque. Elle ne sonnait comme rien de ce que je connaissais du haut de mes glorieuses dix années d’existence montagnarde. C’était vraiment fort de café, ce mec et cette grosse voix ! Et cette chanson qui aurait pu sonner comme une ode à la guimauve intersidérale si n’importe qui d’autre avait posé sa voix cucul la praline par-dessus…

Je me souviens de ma mère qui m’a dit de « bien l’écouter celle-là, tu vas voir c’est la meilleure », et moi de poser ma petite tête, pleine de cheveux roux et frisés donc, sur son épaule et d’écouter. Et non seulement c’était vrai, c’était la meilleure, mais elle m’a tiré une larme. Comme elle me tire une larme alors que j’écris ces mots.

Parce que cette chanson pour moi, c’est plus qu’une chanson, c’est la bande-son du film de l’amour que je porte à ma mère. Il n’y a pas une note de Tom Traubert’s Blues qui ne me rappelle la plus belle femme que je connaisse, et devant qui je ne serai jamais qu’une enfant en admiration totale.

Olivia Bessat

 

 

Ella, elle l’a – France Gall

Les souvenirs sont parfois liés à des tubes qui nous martèlent la tête durant une saison, et paf! ils disparaissent et c’est tant mieux mais du coup des bouts de mémoires restent ancrés dans quelques notes d’un été lointain… dans le Sud, l’Italie, la France, Nice, Cannes…

La route sinueuse qui longe la mer, dans le rétroviseur je vois leurs yeux qui rigolent, ils chantent pas, ils huuurlent. Ella elle l’aa OU-OU-Ou-OOOuuuuuuuu, les cordes vocales vont lâcher et leurs rires se balancent d’un côté à l’autre de la banquette arrière au rythme de la musique.

On a pas vingt ans, putain, on est tellement libres, on a tellement peur de rien. Antibes, la mer, la plage, les sorties, on mange, on boit, on danse, on crie…

Plus de vingt-cinq ans ont passé, un de ces rires manque à l’appel, la vie parfois nous enlève ceux qu’on était sûr de garder pour toujours.

Alors cette chanson, je sais pas trop si elle m’emmène dans la tristesse ou dans la joie.

Elle marque son absence tout en soufflant un peu de ce qu’il m’a laissé de lui et, au-delà des paroles, c’est son rire à lui que j’entends.

Katarina Boselli