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Bidonville – Claude Nougaro

Cet été, assis sur une plage de Sicile, j’écoute « Bidonville » de Claude Nougaro sur mon lecteur mp3. Les yeux perdus au large. « Me tailler d’ici à quoi bon ? » Chez nous, la vie est bien jolie. C’’est bonnard mais ça ramollit (Sarclo copyright)

On a des bouteilles d’eau fraîche que vendent les marchands ambulants africains, des lunettes de soleil et des chapeaux de paille. Made in China. Évidemment. C’est la dolce Vita. Et c’est pas du wolof. C’est du rital.

La chanson, elle, est brésilienne à la base. « Berimbau » de Baden Powell. C’est son nom. Et celui d’un instrument utilisé par les esclaves déportés vers le Brésil. Nougaro en a fait une chanson sur les bidonvilles qui poussaient à la périphérie des villes françaises dans les années 60. Il n’y a plus de bidonvilles aujourd’hui en France. Enfin si toujours. Mais ça reste entre nous.Et la chanson résonne dans mes oreilles face à la Méditerranée. Combien d’hommes et de femmes perdues sous l’eau limpide ?

« Je verrai toujours de la merde même dans le bleu de la mer »

Combien de barques remplis d’espoir arrivant vers nous ? Pour être accueilli comme des parias plutôt qu’en camarades.

Bientôt, bientôt,
On pourra se parler, camarade.
Bientôt, bientôt,
On pourra s’embrasser, camarade.
Bientôt, bientôt,
Les oiseaux, les jardins, les cascades.
Bientôt, bientôt,
Le soleil dansera, camarade.
Bientôt, bientôt,
Je t’attends, je t’attends, camarade.

Cette chanson est la plus belle de mon monde.

Regarde le, Nougaro dans cette version live… L’animalité, la classe, le groove… Le blues.

Universel.

Erwan Roux

Mon papa – Sarcloret

Un jour, mon papa a eu une saloperie. Tout de suite m’est venu à l’esprit ce «j’pensais pas que j’aimais mon papa au point d’écrire une chanson tendre, / pour lui dire que ça peut attendre /, qu’il peut partir une autre fois…» Le refrain le plus émouvant du monde. Le plus sincère, le plus simple, le plus beau. Ce jour-là, je vous jure que c’est vrai, j’ai croisé «dans les couloirs de l’hôpital / un ami, fils d’un autre père / d’un autre monsieur qu’on opère…»

Et puis mon papa s’est remis, il partira une autre fois. «Je venais pour le voir guérir / à peu près deux fois par semaine…» Et puis l’ami, «fils d’un autre père», est mort. «Il n’y a rien à faire, rien à lutter», comme chante Sarclo sur une autre de ses merveilles. De ses nombreuses merveilles. Parce que, sous ses airs de «je m’en fous, de toute façon personne n’écoute mes chansons et donc personne ne sait qu’elles sont vachement mieux que celles des autres», ce foutu chantiste les a multipliées, les merveilles. Vous avez déjà écouté Pleurer dans tes bras ? Et Du brun ? Et La fille qui nous sert à bouffer ?

Et puis Mon papa, donc. À une époque – peut-être est-ce toujours le cas –, Sarclo concluait souvent ses concerts par cette chanson. C’était un signe : on savait qu’il serait inutile d’insister, parce qu’après ce sommet de tendresse pudique, il n’y a plus rien à dire. «Par un matin de mal de chien…»

Une guitare et des mots simples, des mots sincères, des mots vrais. Des mots qui me fichent à chaque fois la pidouille, comme on dit chez nous. Des mots qui me tirent les larmes. De combien de chansons peut-on en dire autant ? Tout à coup, Sarclo le provocateur rigolo s’efface pour se dévoiler sans fard. Et on a envie de l’embrasser pour avoir su trouver les mots qu’on ne peut pas dire. Parce que l’amour pour son père, ça ne se dit pas, par chez nous.

Un jour, Renaud a déclaré que Sarclo était la plus belle invention suisse depuis les trous dans le gruyère. Personne n’a pensé à lui dire qu’il se trompait : il n’y a pas de trous dans le gruyère. On peut donc en conclure que Sarclo est la plus belle invention suisse, et puis c’est tout.

Éric Bulliard