Oldenburg, ville du nord, très au nord, de l’Allemagne. Été 1989. Mes capacités à saisir toutes les nuances de la langue de Goethe étant ce qu’elles étaient, décision parentale avait été prise de m’envoyer en séjour linguistique pour un petit mois. Vous dire pourquoi à Oldenburg relève du mystère le plus absolu.
Voyage en train, il pleut à l’arrivée. Ma famille d’accueil dans le hall de la gare, mauvais film de vacances. Ils tentent d’entrer en contact. « Ya » ou « Nein » seront mes deux seules réponses, interchangeables en fonction de leurs regards ahuris. Je ne comprends rien.
Alors que mes compagnons d’infortune sont logés en ville, j’ai la chance d’être hébergé au loin, dans la banlieue oldenbourgeoise. .
Le lendemain, je découvre le quartier : villas, rues, jardins, haies et chiens. Au moins, il ne pleut plus.
L’école est au centre-ville. J’en ai bien pour 45 minutes de trajet lorsque je ne me trompe ni de bus ni de correspondance.
Pour couronner le tout, j’ai la joie de constater, un matin au réveil, qu’un nouvel arrivant squatte ma chambre (un Espagnol, ou Italien, je ne sais plus), également là pour se familiariser avec la culture germanique. Il a dû arriver pendant que je dormais à poings fermés.
Tomber plus bas reviendrait à creuser.
École, amis francophones, sorties, boîte (sympa, dans la boîte ils ont tendance à passer les morceaux que tu leur demandes quand t’arrives à te faire comprendre), balade en ville, magasin de disque, pochette au hasard qui me tape dans l’œil, retour à la maison, trente-trois tours sur la platine, il recommence à pleuvoir. Mais dans ma tête. Pas de cette pluie plombante, mais de celle qui arrive avec le soleil, averse d’été purificatrice pour un gamin de quinze ans. La claque en douceur. Pictures of You, un rideau, des guitares qui s’entrelacent, une basse, cette voix. 7 minutes 33 plus tard, j’ai le regard dans le vide. Oldenburg n’est plus la même, mon séjour ne sera plus le même.
Est-ce que je pourrais rester le même ?…
Anthony Weber