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P’tite conne – Renaud

Ha! Les années héroïne…comme les drogues les arrangements sont un peu passés…

J’ai vraiment découvert Renaud à quinze ans, avant j’avais juste entendu deux ou trois trucs à la radio. C’était en 89. Et il y a ce texte qui me parle direct… Je l’écoute en boucle sur mon Walkman Sony Sport jaune.

Tu m’excuseras mignonne d’avoir pas pu marcher
Derrière les couronnes de tes amis branchés
Parc’ que ton dealer était peut-être là
Parmi ces gens en pleurs qui parlaient que de toi

C’est vrai qu’il y avait Yvan qui m’avait dit qu’il avait essayé un truc excellent, mieux que les joints. Et que deux mois après on a perdu de vue, puis retrouvé qui traînait avec un type délabré barbu en espadrilles, place du Molard, lors d’une manif contre l’UBS… puis plus revu…

Puis d’autres qui ont plongé dans cette descente infernale, même bien plus tard, et bien plus proches, et je me suis chaque fois senti impuissant.

Il fallait du pognon pour se procurer cette merde, et les prix n’étaient pas cassés dans ces années-là, sans doute plus de demande, et moins de politiciens corrompus braqués sur les dealers noirs sans papiers plutôt que sur les bénéficiaires de l’affaire.

Tu fréquentais un monde d´imbéciles mondains
Où cette poudre immonde se consomme au matin
Où le fric autorise à se croire à l´abri
Et de la cour d´assises et de notre mépris
Que ton triste univers nous inspirait malins
En sirotant nos bières ou en fumant nos joints

Est-ce que les choses ont changé?  Souvent il vaut mieux être malheureux et fauché que malheureux et blindé. Je faisais partie de la première catégorie, quel bol!

Finalement, c’est l’histoire de tout le monde et personne, un truc qui arrive à n’importe qui, tu le vois pas venir, et paf!

Parce qu’on se met à vivre à côté des autres, qu’on recherche toujours une satisfaction qui ne viendra pas, un autre pays, une autre vie, même si on a tout, surtout si on a tout.

P´tite conne c´est oublier que toi
T´étais là pour personne et qu´personne était là

Alors grâce à toi, Renaud, je resterai à siroter des bières, latter une ou deux taffes, et profiter de mes potes, de mes proches!

Ça n’a pas de prix, et tu me l’as fait comprendre, j’avais quinze ans et j’écoutais personne.

David Magnin

Eternal (Dreams Pt. II) – Solitude Aeturnus

Une intro lente au son lointain, comme si les musiciens s’étaient enfermés dans une cannette de Bud, on se demande bien pourquoi. C’est pour rappeler aux fans, peu nombreux, la fin d’un morceau figurant sur l’album précédent. Il s’agit là d’une trilogie doom sur les malheurs que peuvent provoquer l’immortalité, sans référence à un quelconque comédien strabique. Certaines personnes ont le temps de réfléchir à des thèmes vraiment importants. Mais nous n’allons pas nous pencher sur les textes. C’est pas grave. On parle de Heavy Metal, tout de même.

Tout à coup, ça démarre. Riff pesant, production pas géniale, mais ce n’est pas l’essentiel. Les harmonies arabisantes se lovent autour de l’auditeur et le compriment, comme un genre de boa. La voix de Robert Lowe, rauque, a quelque chose d’enfantin. Un changement de clé, un jeu à deux voix, c’est trop lourd pour être vraiment beau. Mais pourquoi donc ai-je choisi ce morceau ? Hein ?

Un break, on s’attend à inspirer, mais non. Retour sur ce couplet lourd, lourd, lourd… Pourtant mélodique. On se le coltine à nouveau. Et soudain, la guitare se fait plus claire, sur un enchaînement d’accords simples, et Robert Lowe chante Eternal de sa voix cristalline, dans une mélodie simple qui me fait me sentir m’envoler avec ses notes.

C’est ça qui me fait vibrer. Quelques secondes en suspension avec cette voix si triste et claire.

Puis, le solo en apparence le plus laid de l’histoire de ce genre musical. Mais après pas mal d’écoutes, je le trouve incroyablement bien trouvé, ce solo. Plein de détresse, tordu, oppressant.

Retour au couplet, et Robert s’envole à nouveau dans ce refrain extraordinaire.

Et là survient la perle de ce long monolithe musical : un thème simple autour duquel la deuxième guitare plante des atmosphères lourdes, et Robert Lowe, génial, qui de sa voix naïve et désenchantée s’interroge sur la vacuité de l’existence, dans une envolée que Folon n’aurait pas reniée au moment de mourir.

Mark Levental