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Nothing’s Gonna Hurt You Baby – Cigarettes after Sex

Ce mot que l’on n’ose plus prononcer, de peur qu’il n’écorche les lèvres ou nous fasse passer pour des faibles. Depuis quand, et pourquoi, ce sentiment noble est-il devenu tabou ?

On ne l’exprime plus.

Dès qu’il montre le bout de son « A », on prend la fuite. A la première vaguelette d’émotion, on sort les gilets de sauvetage. Ne surtout pas se laisser posséder. Rester libre. Rester maître. S’abandonner, c’est mal.

On devient fataliste. On ne provoque plus le destin. On a peur. Peur de nos émotions. En fait ce dont on a le plus peur, c’est que notre amour-propre soit froissé si la réciproque n’est pas au rendez-vous. On se tait. On se la joue désinvolte. Et on laisse ce merveilleux sentiment croupir au fond de nos ventres, comme une vermine qui nous ronge de l’intérieur.

Il enfle. Se gorge de notre sang. Prend de plus en plus de place. Terrible cancer des sentiments.

Mes oreilles ont croisé cette chanson, un soir. Il était tard. Je venais de le quitter après une merveilleuse soirée où je l’ai vu ému, gourmand. Je l’ai entendu respirer dans le noir. J’ai senti la chaleur de son bras contre le mien. J’ai eu envie de prendre sa main, juste comme ça, pour être sûre qu’il était bien là, à côté de moi.

La lumière se rallume. Il me sourit. Je crois déceler de la tendresse dans son regard. La salle se vide. On n’est pas pressé. Il ne saura jamais ce que cela a provoqué en moi. Son sourire, j’aimerais qu’il parte à la découverte de ma bouche. Que du bout des lèvres il vienne récolter mes baisers, ces beaux fruits que ses yeux ont semés il y a quelques années, et qui aujourd’hui sont mûrs. Mais ma bouche restera muette ce soir-là. Elle n’a même pas essayé. Tétanisée.

Mon corps parle, lui. Le traitre ! Mais pour percevoir les petits soubresauts que l’effleurement de sa main provoque, le frisson que sa voix génère, faudrait-il encore qu’il habite ce corps bavard. Locataire ou propriétaire, qu’importe. Qu’il devienne expert en braille. Que du bout des doigts il décrypte sur ma peau ce que ma langue ne veut, ne peut pas délier.

Et je réécoute cette chanson…

J’imagine cette douche vaporeuse qui aurait clôturé cette soirée où nous aurions dansé dans le salon. Cette soirée où nous aurions bu un peu plus que de raison, où nous nous serions donné la becquée comme deux petits moineaux. Cette soirée où notre complicité nous aurait poussés à quelques confidences sur oreiller. Où nos rêves, même les plus fous, auraient trouvé une âme attentive.

Cette cigarette que j’aurais fumée, nue, mon corps portant les stigmates invisibles de ses mains, de sa bouche, dans l’obscurité de la cuisine, un verre de vin comme unique paravent à ma pudeur et ses bras comme seuls vêtements. Cette soirée où on se serait promis de ne rien se promettre qu’on ne saurait tenir. Cette soirée qui aurait pu exister si les mots avaient franchi le barrage érigé par mes lèvres. Ecouter cette chanson, encore et encore…la plus belle du monde ce soir-là, parce que porte ouverte sur des possibles. Et peut-être me lancer, à pieds, les yeux bandés, sur l’autoroute, pour le rejoindre. Insouciante. Je n’ai plus peur. De l’autre côté, il y a lui.

Stéphanie Tschopp

Fantaisie militaire – Alain Bashung

2 août 2008

il est…

5:00

roulée en boule sur le fauteuil de la chambre, épuisée, Fantaisie militaire à fond dans les oreilles, en boucle.

Au pays des matins calmes
Pas
un bruit ne sourd
Rien
ne transpire ses ardeurs

5:15

les cris et les larmes ont plu cette nuit. encore. C’est de plus en plus lourd et dévastateur. la gorge rongée par la haine et l’incompréhension laisse sans voix et sans force, écorchés vifs par les mots qui déchirent.

des nuits sans voir le jour
à se tenir en joue
des mois à s’épier
passés à tenter
de s’endormir hanté

5:30

souvenir des heures passées à le regarder dormir et se réjouir qu’il se réveille pour que commence une nouvelle journée apportant le bonheur promis.

j’aimais quand je t’aimais
j’aimais quand je t’observais
j’étais d’attaque

5:45

regarder ce corps étranger allongé dans le lit, lézardé des premières lueurs du jour que les persiennes laissent passer. ne pas reconnaître cet homme qui a partagé un chemin de vie.

ne plus savoir
j’sais plus qui tu es
qui a commencé
qu’elle est la mission

6:00

se lever, jeter un dernier regard sur cette intimité qui n’est plus partagée. la haine a rempli l’espace, il n’y a plus de place pour respirer. C’est sans issue.

l’honneur tu l’as perdu sur ce lit de bataille
soldat, sans joie, va, déguerpis
l’amour t’a faussé compagnie

6:15

attraper la valise. partir.

erre, erre, erre, erre…
sais-tu que la musique s’est tue?

Tamara Védrine

Born to Die – Lana del Rey

J’ai les poils qui se hérissent alors que mon tacot enchaîne les tunnels de la Vallée d’Aoste.

À chaque virage, je m’éloigne un peu plus de tes baisers, de ta peau si douce, et mon cœur se serre. Cette voix, j’ai le sentiment qu’elle nous lie encore, alors que les mots de Lana devraient m’ôter tout espoir de retrouver tes bras.

L’amour rend con, dit Lemmy. Mais Lana lui rend tout son sens. Mes phares éclairent les murs, je repasse la chanson. La voix grave me rappelle ta douceur et retient mes larmes.

Tu me manques.

Quand on se retrouvera, on écoutera cette chanson ensemble et je te dirai combien mes heures étaient vides sans toi.

Maintenant, écoute-la. Je ne sais pas parler d’amour. Mais Lana Del Rey, elle en connaît un rayon, on dirait.

Mark Levental

Mistral gagnant – Renaud

Alors voilà, c’est décidé : Mistral Gagnant.
Pourquoi celle-là?
Chanson souvenir, chanson du souvenir, chanson sur les souvenirs.
Chanson que j’ai écoutée seule, mais découverte à plusieurs.
Chanson que j’ai murmurée seule, mais chantée à dix.
Chanson partage, chanson du partage, chanson sur le partage.
Chanson simple et bonheur de la simplicité.
Belle chanson et chanson sur la vie.
La musique éveille tous mes sens. Elle m’apporte des moments intenses qui restent inscrits quelque part dans mon corps telle une empreinte gravée.
Cette chanson m’a prodigué des émotions que je n’oublierai pas.

Et puis en plus c’est une chanson qu’on a chantée et rechantée maintes fois un certain 1er janvier lors de la dernière soirée d’un excellent festival de chansons francofestives sur le Bateau Genève accompagné d’un non moins fameux Karaorchestre… C’est un peu flou, peut-être à cause de la vodka-qui-chauffe-la-voix…

Caroline Lacombe