Tous les articles par Tamara Védrine

Maman a tort – Mylène Farmer

En novembre 1984, j’ai 15 ans et Mylène Farmer chante «Maman a tort».

Cette voix d’enfant dans un corps presque adulte qui scande ces mots interdits me tarabuste.

Qui suis-je, où cours-je, où vais-je, dans quel état j’erre?

De toute façon, maman a tort.

à c’t’âge, c’est beau l’amour .

sans la connaître, les larmes de l’infirmière me bouleversent.

moi aussi je les aime (les deux).

qu’il soit de mon droit… de tout toucher, j’en suis bien incapable.

… je rêve de dépasser l’interdit.

mais «la gaudriole» est… interdite.

un: quoique maman dise, j’obéis.

deux: moi j’oublierai pas.

trois: mes émotions dégoulinantes.

quatre: l’adolescence est une torture.

cinq: j’peux PENSER ce que je veux.

six: je touche le néant.

sept: je m’auto arrête.

huit: j’m’emmerde.

j’aime ce qu’on m’interdit (dans mes rêves)

les plaisirs impolis (sur mon polochon)

j’aime quand elle (LUI) sourit.

j’aime l’infirmière (ET Mylène).

un: j’suis très agitée.

deux: et j’ai bien fait.

trois: d’vous en parler.

quatre: j’me libère.

cinq: quoi qu’on en pense

six: elle était belle

sept: cette aventure

huit: je l’aime.

quand Mylène chante l’infirmière,

ça m’fait des choses,

comme l’adolescente encore vivante,

j’ai des frissons,

c’est beau la vie,

de ce souv’nir,

je rêve la nuit.

et vous?

neuf: l’ordre mon cul.

dix: la liberté m’habite.

Tamara Védrine

Pilule – Damien Saez

Damien, c’est une baffe dans ta gueule.

Une bonne baffe qui te fait penser que peut-être, tu t’es gouré.

De celle qui ne t’autorise pas à continuer comme si de rien n’était, sifflant le nez en l’air, l’air de rien.

Saez, c’est une taffe d’énergie.

Une bonne taffe d’herbe qui t’envoie sur orbite.

De celle qui t’autorise à penser que ton trip est partagé, que « l’important ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage », et qu’avec un peu de bol, y’a du monde qui attend que tu redescendes.

Car lorsque tu acceptes que cette voix qui pourrait déranger n’a plus d’importance et que tu entres, tête la première dans ses textes, comme un spéléologue qui n’a rien à perdre, tu prends la mesure du choc qui va t’estourbir dès que tu penseras avoir trouvé le puits de lumière qui te permet enfin de sortir du tunnel.

Parce que cette lumière, elle est multicolère.

Elle t’emmène sonder le fond de tes tripes, le fondement de ton enfance, l’insondable de tes racines.

Elle te questionne sur tes principes, comme un boomerang.

Pas celui que tu lances à tes gosses le dimanche pour qu’ils courent le chercher. Non.

Celui qui revient dans ta gueule à coup sûr. Le vrai.

Qui après une frappe bien sentie et une légère nausée explicable te fait regarder tes gosses et votre avenir autrement.

Parce que ce mec et son vécu d’écorché; (dont Voici n’a pas eu les droits)

Voilà qu’il te renvoie tes rages adolescentes; à 40 ans.

Voilà qu’il te rappelle les mochetés inacceptables que tu as oubliées; à 40 ans.

Voilà qu’il te réveille d’un long sommeil; à 40 ans.

Parce que dans ses textes, il y a « salut à toi mon frère »,

Parce que dans ses textes, il y a du Brel,

Parce que dans ses textes, il y a du Brassens,

Parce que dans ses textes, il y a du Bashung.

Sauf que c’est du Saez.

Sauf qu’il respecte ses pairs, tout en les honorant.

Parce qu’il réoriente ton avenir et celui des tiens, en puisant dans ses maîtres pour les ressusciter.

Parce que souvent l’histoire se répète, et qu’il serait urgent de l’en empêcher.

Là.

Maintenant

Tout de suite.

Tamara Védrine

Fantaisie militaire – Alain Bashung

2 août 2008

il est…

5:00

roulée en boule sur le fauteuil de la chambre, épuisée, Fantaisie militaire à fond dans les oreilles, en boucle.

Au pays des matins calmes
Pas
un bruit ne sourd
Rien
ne transpire ses ardeurs

5:15

les cris et les larmes ont plu cette nuit. encore. C’est de plus en plus lourd et dévastateur. la gorge rongée par la haine et l’incompréhension laisse sans voix et sans force, écorchés vifs par les mots qui déchirent.

des nuits sans voir le jour
à se tenir en joue
des mois à s’épier
passés à tenter
de s’endormir hanté

5:30

souvenir des heures passées à le regarder dormir et se réjouir qu’il se réveille pour que commence une nouvelle journée apportant le bonheur promis.

j’aimais quand je t’aimais
j’aimais quand je t’observais
j’étais d’attaque

5:45

regarder ce corps étranger allongé dans le lit, lézardé des premières lueurs du jour que les persiennes laissent passer. ne pas reconnaître cet homme qui a partagé un chemin de vie.

ne plus savoir
j’sais plus qui tu es
qui a commencé
qu’elle est la mission

6:00

se lever, jeter un dernier regard sur cette intimité qui n’est plus partagée. la haine a rempli l’espace, il n’y a plus de place pour respirer. C’est sans issue.

l’honneur tu l’as perdu sur ce lit de bataille
soldat, sans joie, va, déguerpis
l’amour t’a faussé compagnie

6:15

attraper la valise. partir.

erre, erre, erre, erre…
sais-tu que la musique s’est tue?

Tamara Védrine