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Petit matin 4.10 Heure d’été – Hubert Félix Thiéfaine

Quatre heure dix, l’heure avant l’aube du jour suivant, le moment rêvé pour se pendre.

On fait moins les petits malins au petit matin quand on a l’œil vitreux au fond de son miroir et juste l’envie de s’effacer jusqu’à la dernière trace.

Tu cherches un lambeau de sens auquel te raccrocher, en regardant ton futur s’effilocher. Tu te regardes dans le passé, ton horizon tu l’as broyé.

Tu parles de la vie comme d’une foire, une galerie, une exposition, tu parles d’une vie en société qui formate nos ambitions. On n’est rien sans les autres et si peu soi devant eux.

Passez, dépassez, trépassez, il n’y a rien à voir, plus rien à exposer dans la galerie des sentiments, tu laisses ta place aux nouveau-nés sur le marché des morts-vivants.

Un employé des pompes funèbres pour partager ta dernière bière, la solitude n’est plus une maladie honteuse, tu le dis dans une autre chanson, mais dans l’ultime chapelle, elle interpelle, quand le silence l’amplifie.

Le spectacle doit continuer, mais ce sera sans toi, tu es trop artiste pour tous ces compromis. Trop intègre pour le jeu des politesses.

L’orgue joue pour un seul défunt, hommage d’une société en capilotage automatique.

Ton corps sur le billard, tout tourneboulé, tu fais peine à voir, tu voudrais tant avoir été.

Pourtant je reprendrais bien un supplément de mensonge, si c’est ta tournée.

L’heure avant l’aube du jour suivant pèse une éternité. Tu n’es que le figurant de ta propre destinée, avec ton mal-être plaqué au corps, ton ironie à fleur de peau.

Dans un engrenage sans issue, comme un coup de massue, point de jour à l’horizon, il y a de quoi perdre la raison. La folie, c’est tout ce qu’il te reste, et dans ton miroir, la gueule trop familière du désespoir, désabusé par tant d’abus, d’obus, d’obtus.

Qu’il est lourd le poids des jours, l’impression de tourner en rond, quand rien ne filtre dans l’angle mort sur cette autoroute sans retour.

A Quatre heure dix, tes mots Hubert, percutent mes états d’âme comme un appel de phare qui m’en met plein la vue.

Mais ton désespoir enrichit le mien. Si c’est toi qui régales, je reprendrais bien… un supplément de mensonge.

Sabine Dormond

Fantaisie militaire – Alain Bashung

2 août 2008

il est…

5:00

roulée en boule sur le fauteuil de la chambre, épuisée, Fantaisie militaire à fond dans les oreilles, en boucle.

Au pays des matins calmes
Pas
un bruit ne sourd
Rien
ne transpire ses ardeurs

5:15

les cris et les larmes ont plu cette nuit. encore. C’est de plus en plus lourd et dévastateur. la gorge rongée par la haine et l’incompréhension laisse sans voix et sans force, écorchés vifs par les mots qui déchirent.

des nuits sans voir le jour
à se tenir en joue
des mois à s’épier
passés à tenter
de s’endormir hanté

5:30

souvenir des heures passées à le regarder dormir et se réjouir qu’il se réveille pour que commence une nouvelle journée apportant le bonheur promis.

j’aimais quand je t’aimais
j’aimais quand je t’observais
j’étais d’attaque

5:45

regarder ce corps étranger allongé dans le lit, lézardé des premières lueurs du jour que les persiennes laissent passer. ne pas reconnaître cet homme qui a partagé un chemin de vie.

ne plus savoir
j’sais plus qui tu es
qui a commencé
qu’elle est la mission

6:00

se lever, jeter un dernier regard sur cette intimité qui n’est plus partagée. la haine a rempli l’espace, il n’y a plus de place pour respirer. C’est sans issue.

l’honneur tu l’as perdu sur ce lit de bataille
soldat, sans joie, va, déguerpis
l’amour t’a faussé compagnie

6:15

attraper la valise. partir.

erre, erre, erre, erre…
sais-tu que la musique s’est tue?

Tamara Védrine