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Seven Nation Army – The White Stripes

Je me souviens encore de ce rouge-gorge photographié sur le CD. Il était vite avalé par le lecteur, commençait à tourner, et le son de cette basse jaillissait des hauts parleurs pourris de mon père. C’était la chanson du bonheur et qu’on soit à table, déjà au lit ou au jardin, il fallait courir dans le salon pour danser en riant. Il fallait non pas parce que c’était une obligation mais parce que c’était un désir qu’on ne pouvait pas laisser incomblé. Alors on dansait, avec mon papa, ma maman et ma petite soeur, sur Seven Nation Army.
Aujourd’hui, il n’y a plus de papa, la maman ne danse plus et la petite soeur trouve the Whites Stripes bien trop has been. Mais il reste l’adolescente que je suis et son meilleur ami, et cette chanson qui ne vieillira jamais, à fond la caisse dans nos écouteurs incrustés dans nos oreilles déjà à moitié sourdes.

Y’a eu plein d’autres chansons, plein d’autres appels au bonheur, mais c’est la seule qui arrive à me chanter que quand même, mon papa a beau être un connard, il avait quand même de bons goûts musicaux.

Les Jours de bise – Tomas Grand

Je l’ai croisé au hasard de la vie genevoise dans un bistrot. Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vus. Ses cheveux scintillent aussi un peu plus. C’est rassurant de voir que chez les autres aussi. Sa voix est toujours aussi chaleureuse et son sourire charmant.

“Ah bah ouais, t’as sorti un deuxième album, Kamikaze à plein temps c’est ça?” “Euh, non seulement à mi‑temps”, me dit‑il. Effectivement, kamikaze à plein temps, c’est usant.

Évidemment… en se croisant à une soirée Cousu Mouche, on en est venu à ce foutu bouquin Je ne laisserai jamais dire que ce n’est pas la plus belle chanson du monde. Ça m’a donné l’envie de faire une spéciale dédicace à cet artiste genevois qui mérite bien d’y figurer et dont j’écoute l’album Ça commence mal en boucle depuis deux jours pour choisir la plus belle chanson du monde.

Je me souvenais de cet album tendre, fragile, timide et plein de pointes d’humour… Ce qui me laisse croire qu’il doit beaucoup ressembler à Tomas. D’ailleurs, très difficile d’en choisir qu’une.

Il me fait rire avec son top model, avec sa voisine, ou encore avec sa noce.

Une beauté sans matières grasses :

C’est un cauchemar, une vraie série noire,
Dans le frigidaire, c’est vraiment pas la fête,
J’ai beau chercher, partout sous les courgettes,
Tout remuer, pas l’ombre d’une canette
(Mon top model)

Une relation de fenêtre :

Moi de ma fenêtre, toi de ta fenêtre,
On s’est quitté, toi de ta fenêtre,
Tu m’as, que s’est bête, laissé tomber
(De ta fenêtre)

Une mariée qui file à l’anglaise :

Et tu m’as laissé, il faut l’avouer,
Un peu mal à l’aise, devant le curé
(La noce)

Il est touchant, sensible, timide. Il ne sait pas comment l’aborder, il doit certainement rougir. Il est tendre, ce père qui aime sa famille. Un autre courageux n’a crainte de trois gouttes d’eau pour aller au fond du jardin.

Et pourquoi Les Jours de bise? Parce qu’ils coiffent ou décoiffent c’est selon. Parce que

Genève prend des airs de Pise,
Les jours de bise,
Elle se maquille,
Et m’embrasse,
Met son écharpe,
Et s’en va

Et ce sont‑là les bonnes raisons pour que je ne laisse jamais dire que ce n’est pas la plus belle chanson du monde.

 

Helena de Freitas

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Monsieur – Thomas Fersen

Les passants sur son chemin
Soulèvent leurs galures,
Le chien lui lèche les mains
Sa présence rassure.
Voyez cet enfant qui beugle
Par lui secouru,
Et comme il aide l’aveugle
À traverser la rue.
Dans la paix de son jardin,
Il cultive ses roses;
Monsieur est un assassin
Quand il est morose.

Douze vers, deux coups de cuillères à pot, et le décor est planté. L’intrigue s’installe en quelques lignes, dans une atmosphère intemporelle entre couvre-chefs, rosiers et serviteur multicasquettes…

C’est dans une ambiance musicale léchée et inquiétante, teintée de violon, violoncelle et autre clavecin, que l’on découvre, au travers du regard de son fidèle valet, ce Monsieur dont l’ostensible respectabilité teintée de rouge ferait pâlir de jalousie Landru lui-même!

Six couplets plus tard, la farce est jouée et le dénouement étonnant de ce film chansonnesque des plus rocambolesques laisse la part belle à l’imagination de l’auditeur.

Bref, Thomas Fersen réalise en quelques lignes le rêve de tout romancier paresseux désireux d’économiser deux cents bonnes pages à noircir, nombre de chandelles et quelques litres d’encre au bas mot, le fantasme de tout cinéaste fainéant éclusant bobines de pellicules, acteurs, scénaristes, metteurs en scène et autres figurants et toute la cavalerie!

Alors Monsieur la plus belle chanson du monde ??? Encore faudrait-il pouvoir les connaître toutes! Du mien, en tout cas, assurément!

David Solinas