Finale de l’Euro 2000 – Dimanche 2 juillet 2000 – Stade de Feyenoord, Rotterdam, Pays-Bas
FRANCE – ITALIE 2-1
Le match est terminé, c’est une évidence. Pour tout le monde. Pour les joueurs italiens qui font tranquillement tourner le ballon afin de tuer les quelques secondes qui les séparent de ce deuxième titre de champions d’Europe, pour le public de Rotterdam qui rythme leurs passes de «Olés» et, surtout, pour l’ensemble du banc transalpin qui s’est levé comme un seul homme, prêt à envahir le terrain. Même quelques Français semblent avoir baissés les bras. Deux ans après leur titre mondial à domicile, les hommes de Roger Lemerre ne briseront donc pas la malédiction voulant qu’aucune équipe ne soit capable de gagner, à la suite, une coupe du monde et un Euro.
Pourtant, les Bleus n’ont pas démérité. Durant les nonante minutes de cette finale, les deux équipes se sont rendu coups pour coups, tant dans les occasions de buts que dans les duels pour le moins musclés. Finalement, c’est l’Italie qui, grâce à une astucieuse talonnade de la future légende romaine Francesco Totti, a ouvert le score par l’intermédiaire de Delvecchio. Dans la surface adverse, Zidane, Henry, Djorkaeff, Dugarry, Trezeguet, Wiltord ou encore Pirès se sont, tour à tour, brisés les dents sur la muraille transalpine et son emblématique maillot Kappa.
Il reste soixante secondes aux Bleus pour résoudre une équation qui paraît insoluble. Comment marquer face à l’Italie, célèbre pour son art de la défense? Comment marquer face à une équipe qui a résisté, à dix contre onze, durant plus d’une heure, contre l’impressionnante force offensive hollandaise en demi-finale? Comment marquer, surtout, face aux 196 centimètres de l’infranchissable Francesco Toldo qui n’a encaissé que deux buts durant toute la compétition?
Trois des quatre minutes supplémentaires octroyées par Monsieur Anders Frisk sont déjà écoulées quand Fabien Barthez s’élance pour botter un ultime coup de pied arrêté à l’orée de sa surface. Le match est terminé, c’est une évidence. Déçu du résultat, l’auteur de ces lignes est parti se brosser les dents et regarde l’écran de loin. Demain, il y a école. Le ballon du gardien tricolore s’envole dans la nuit de Rotterdam. Dévié par le crâne de Trezeguet, il lobe un défenseur transalpin et atterrit, par miracle, sur la poitrine de Wiltord. Après deux rebonds à gauche de la surface, le Français expédie une frappe sèche et cadrée entre les jambes de Nesta.
Mais il reste le monstre. Celui qui hante l’esprit de tous les attaquants croisés durant cet Euro. Celui qui a repoussé les nombreuses tentatives tricolores depuis le début du match. Pourtant, pour la première fois de la compétition, Francesco Toldo craque. Sa main gauche n’est pas assez ferme et ne peut que ralentir le ballon qui vient se nicher dans son petit filet. Allongé sur la pelouse, le dernier rempart transalpin se cache derrière ses gants: tout est à refaire. Les Italiens sont aussi abattus que les Français heureux, l’incrédulité se lit sur tous les visages. Le match aurait dû être terminé, c’était une évidence.
Sylvain Wiltord, lui, est aux anges et court vers les tribunes, bientôt rejoint par ses coéquipiers en extase. De son index levé, le sauveur des Bleus rappelle qu’il ne faut pas vendre la peau du coq avant de l’avoir plumé. Une bonne étoile veille, décidément, sur cette génération tricolore emmenée par les tauliers et futurs retraités Didier Deschamps et Laurent Blanc.
Quand les prolongations commencent, l’atmosphère est irrespirable. En vertu de la règle du but en Or, la première équipe qui marque soulèvera le trophée. Malgré la fatigue, les 22 acteurs n’ont donc plus le droit à l’erreur. Dans les gradins, la confiance a changé de camp. Les «Olés» ont cédé la place à la Marseillaise et aux «On n’entend plus chanter les Italiens».
Sur le terrain aussi, ce sont les Français qui prennent le dessus. D’une tentative de ciseau acrobatique Zidane passe à deux doigts d’endosser une nouvelle fois la cape de héros de la nation. Mais, après le but inespéré de Wiltord entré en jeu à la 58ème minute, il était écrit que les remplaçants tricolores décideraient du sort de cette partie. Sur un ballon récupéré coté gauche, Pirès élimine deux adversaires et centre en retrait. Au bout de sa passe, le pied gauche de David Trezeguet. Avec l’équilibre d’un danseur de ballet, le numéro 20 expédie un chef d’œuvre de demi-volée dans la lucarne d’un Toldo impuissant. Le monstre est définitivement vaincu.
Maillot à la main, Trezegol n’a plus qu’à s’élancer en direction du poteau de corner et de la postérité. Cette fois-ci, le match est bel et bien terminé.