Mensch – Herbert Grönemeyer

Und es ist, es ist ok

Alles auf dem Weg

Und es ist Sonnenzeit

Unbeschwert und frei

 

La grande différence entre les trains suisses et allemands, c’est que dans les trains allemands, on fait forcément connaissance de quelqu’un. Loin d’être une vulgaire extension des réseaux de transports publics locaux que sont les CFF, la Deutsche Bahn parvient encore à recréer l’illusion du voyage. La très allemande tradition de réserver un siège mais de se mettre sur le siège réservé par quelqu’un d’autre fait le reste.

 

Celui qui occupe mon siège cette fois-ci est un Suisse, âgé, mais pas encore vieux. Lorsque la vive discussion autour de la propriété du siège est entamée – pas de soucis, restez assis – êtes-vous sûre Madame – mais bien évidemment – merci infiniment – son Hochdeutsch est soigné et impeccable et le trahit comme mon compatriote dès la première syllabe.

 

L’échange n’est qu’un prétexte. Il est de toute évidence sous l’émotion du passage de frontière, il veut que l’Allemagne se révèle à lui, mais il n’y a que ce wagon de train et moi. Moi, à qui il suffit de monter dans un train en Allemagne et prononcer quelques phrases pour devenir irréfutablement allemande. Une identité entre consécration et hantise, aspiration et questionnement. Je me délecte un instant d’être univoque, classable, lisible. Je lui sers l’Allemagne sur un plateau pour satisfaire sa curiosité, pour être à la hauteur du rang d’experte auquel il m’a promu. Les parallèles détaillées que je fais avec la Suisse l’interpellent, mais la pudeur l’empêche de les aborder.

 

Und der Mensch heißt Mensch

Weil er vergisst

Weil er verdrängt

Und weil er schwärmt und stählt

Weil er wärmt, wenn er erzählt

 

Deux compatriotes dont l’un qui l’ignore, le malentendu continue à nous séparer et nous unir. La tension devient insupportable. Je lui dis que je vis en Suisse, ce qui l’amuse.

 

« Et qu’y faites-vous?  »

« Je suis en politique. »

« … en tant qu’Allemande ?! »

« Je suis Suissesse. »

 

La gêne. La joie. C’est un moment à la Max Frisch, une éruption de confusion au milieu de la rationalité, la gêne de ne pas reconnaître une compatriote comme telle, la joie d’en avoir une en face de soi. L’univers a frémi, mais il a immédiatement retrouvé sa structure.

 

Et moi : je retrouve mon ambivalence.

 

Teil mit mir deinen Frieden

Wenn auch nur geborgt

Ich will nicht deine Liebe

Ich will nur dein Wort

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