C’est le moment où on va mieux. Où on s’en sort. On voit la lumière au bout du tunnel. Un jour, bientôt, peut-être même demain, on guérira de ce chagrin, on oubliera cet amour. On en vivra un autre, tiens ! Plus beau, plus fort, mais moins douloureux, moins aliénant. On est seule face à notre sérénité presque retrouvée, on marche dans la rue sans filet mais on veut croire qu’on ne tombera plus, ou plus aussi bas.
On s’arrête pour prendre un café, à l’intérieur, parce que ce n’est pas encore l’été, ni même le printemps, mais enfin, l’hiver mord moins… Ou alors on va juste faire ses courses dans un supermarché, s’acheter une blouse en prévision du beau temps,
ou un livre qui parle d’autre chose, dans cette librairie de quartier. Et donc, dans ce café, ce supermarché, ce magasin, ou cette librairie, il y a cette musique tout droit sortie des années 80. Ringarde, la musique, si vous voulez, d’ailleurs Natalie Cole n’a jamais été ma tasse de thé, mais les premières notes de piano nous submergent déjà, et eventhough it’s been so long, my love for you keeps growing strong, vous ne parlez pas anglais ? quelle chance vous avez, les autres, moi, les paroles nous pénètrent sans nous traverser, ce serait trop facile, elle se terrent dans notre ventre jusqu’au refrain qui agit comme le coup fatal, et qui revient, nous achever encore et encore, I miss you like crazy… i miss you baby, oui, parce que nous aussi, en plus, on l’appelait baby….
Et alors c’est l’hiver et c’est le manque brûlant dans la glace de la vie sans lui. No matter what i say or do there’s just no getting over you. Il n’y a plus de perspective de printemps, plus de lumière au bout du tunnel, juste une lente agonie, on est pétrifié, on arrive plus à déambuler entre les rayons, pourquoi d’ailleurs, s’alimenter, à quoi bon, s’acheter une blouse, se faire belle, à quoi bon, lire, savourer un expresso, pensez vous, du cyanure, et vite, baby…. A love like ours will never die… mais nous si !!! On va crever, là, vite, un sabre, une épée, hara-kiri, une ceinture d’explosifs… fade out… la voix se tait, respirer, votre expresso Madame, Natalie l’a enfin fermée, le boire ce café, l’acheter cette blouse, tunnel, lumière au bout, en chemin des rechutes, la faute à Natalie, Mariah Carey, Witney Houston, tenir, lumière au bout, et peut-être lui, encore, en chemin, juste une fois ou deux, juste pour se rappeler que ça n’allait pas entre vous, que c’était nul au lit, tu parles, juste pour exulter encore un peu dans ses bras, avant d’en mourir à nouveau, chut, lumière, musique, autre chose de plus gai, tiens c’est au tour de Dione Warwick, that’s what friends are for, d’ailleurs ils sont où, les amis ? Ceux qu’on appelle plus tellement on s’en fout de tout sauf de lui. Non, rien, plus de musique, c’est mieux, pour ne pas pleurer, ne pas rêver, un croissant, avec l’expresso, deux, avec du chocolat. Trois, on s’en fout, d’ici la lumière on se sera reprise en main, on aura perdu ses kilos de tristesse, raffermit tout ca, fait disparaître ces cernes, mais oui, il faut y croire, i miss you like crazy, c’est à cause de Natalie. Ce n’est qu’à cause de Natalie…