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Your Kisses Burn – Marc Almond feat. Nico

You make a fire / here in my heart/ Your kisses burn me / sending sparks. Tu allumes un feu dans mon cœur, tes baisers me brûlent, projetant des étincelles.

Sept ans après la reprise de Tainted love – trop grand succès qu’il se refuse de jouer en concert malgré les demandes incessantes -,Marc Almond a repris le chemin des studios pour enregistrer son quatrième album solo. En ce mois de juin 1988, il attend une invitée très spéciale.

Il est aussi impatient et nerveux qu’un enfant qui attendrait de monter sur scène pour la première fois lors du spectacle de fin d’année à l’école. Mais il a debonnes raisons puisqu’il attend une icône q ui a compté dans sa formation musicale tout autant que Scott Walker, Jacques Brel ou Lou Reed.

Your kisses burn / they scorch my soul. Tes baisers brûlent, ils rougissent mon âme.

Cette icône c’est Nico, celle-là même qui a connu Brian Jones des Stones, Jim Morrison des Doors, Tim Buckley, Iggy Pop, Andy Warhol qui l’a placéede force au sein du Velvet Underground contre la volonté de Lou Reed avec qui elle aura pourtant une brève relation. Nico, l’icone du réalisateur

Philippe Garrell. Nico la jeune top-model qui s’est retrouvée par accident dans un film de Fellini. Nico que même la littérature glorifiera puisque l’éditeur Jean-Jaques Pauvert, celui à qui l’on doit les oeuvres complètes de Sade, lui rendra hommage en publiant, en 2001, un livre contenant son

journal, ses textes et ses poèmes. Plus tard Alban Lefranc en fera l’héroïne d’une bio-fiction intitulée Vous n’étiez pas là. Une icone je vous dis.

And world without end / through tempest and storm. Et dans ce monde sans fin, à travers l’orage et la tempête. Un album en 1967, un autre en 1968, un troisième en 1970, puis le rythme ralentit et il faut attendre 1974, puis Nico s’efface, on perd sa trace, bien qu’elle réside le plus souvent à New-York, on l’oublie un peu. Et la voilà qui réapparaîtau début des années 80, en plein boum post-punk.

D’abord à Londres pour enregistrer Drama of Exile, un album dont les bandes seront volées et dont il existe ainsi plusieurs versions, puis à Manchester un an plus tard, où elle partage avec Joy Division le même producteur de génie : Martin Hannett, le temps d’un quarante cinq tours – Procession -.

Nico est ainsi découverte par un nouveau et jeune public qui la surnomme avec affection la Garbo du punk. Si le son, la froideur a beaucoup à voir avec Joy Division, Nico ne renie en rien son passé, ses amis, et le prouve avec diverses reprises, Bowie, Velvet Underground, ses concerts se terminent

d’ailleurs bien souvent par la reprise de The End des Doors, donnant un caractère cérémonial à ses prestations.

When your kisses burn / why are my lips like ice? mais quand tes baisers brûlent / pourquoi mes lèvres restent-elles de glace?

Nico voyage à nouveau, tourne plus régulièrement pour aboutir en 1985 avec l’enregistrement de Camera Obscura produit par John Cale, l’ancien du Velvet Underground. Avec ce nouvel album, Nico est en prise avec son temps, cette nouvelle décennie. Quoique toujours aussi expérimentale, sa musique se tourne aussi vers l’électronique. Le quarante-cinq tours tirés tiré de cet album contiend la chanson My heart is empty et en face B la reprise de My bloody Valentine – tout un programme.

On l’imaginerait plutôt vivre dans un quartier de New-York ou carrément dans la ville post-industrielle de Sheffield, mais c’est à Ibiza qu’elle trouve son nouveau refuge et tente de se débarrasser de l’emprise de la drogue par un mode de vie plus sain. Elle passe surtout du temps avec son fils, Ari, donne quelques concerts quand même, ici et là, à Londres, et ne refuse pas cette proposition de Marc Almond qui l’invite à chanter en duo sur son prochain disque.

Your love keeps me warm. Tom amour me tient chaud. Nico et sa voix d’outre-tombe, sa mélancolie naturelle, son visage d’enfant triste prématurément usé par le cirque du rock, trop de drogues,

trop de morts autour d’elle, mais aussi ce grand sourire généreux, quand elle veut bien le montrer. Marc Almond, sa voix haut perchée de dandy new-wave qui a délaissé l’électro-pop pour une musique de cabaret sorti d’un roman de Jean Genet, c’est la rencontre du feu et de la glace.

À ce stade de sa carrière, Marc Almond rayonne dans le monde entier, l’effet Soft Cell agit encore et ses albums solos marchent plutôt bien, de fait la compagnie de disques ne lésine pas sur les moyens et ouvre grand son porte-monnaie. En studio, on trouve un grand nombre de musiciens, presque un orchestre !

Piano, trompette, hautbois, cor anglais (!?!), clarinette, et même un quatuor de cordes, sans oublier la forme basique de tout groupe pop : guitare, basse et batterie (agrémentés de synthés, heureusement peu présent). Cet album va être l’un de ses meilleurs, et la présence de Nico la cerise sur le gâteau. Mais le manager de celle-ci prévient Marc Almond : Nico est fatiguée, si la première prise est bonne, il faut l’utiliser, elle n’arrivera pas à en faire d’autres. Et la première prise est excellente, il n’y aura pas besoin d’en faire d’autres. Les deux artistes posent pour la photo, devant une table de billard, on pourrait croire à l’osmose totale, mais le passage de Nico est plutôt bref,même si Marc Almond n’en est pas moins enchanté.

My soul be your fire. Mon âme est ton feu.

On n’avait plus entendu un tel duo mélodramatique depuis Lee Hazlewood et Nancy Sinatra peut-être. On est en juin 1988, Nico peut retourner faire du vélo à Ibiza, destination des clubeurs aujourd’hui, désertée l’hiver, elle fut surtout le point de chute de beaucoup d’artistes, comme le philosophe et écrivain dont Nico partage la même nationalité : l’Allemand Walter Benjamin.

Your kisses burn / The tides will turn / You brand your promise / On my tongue. Tes baisers brûlent, Les marées se succèderont, tu as marqué ta promesse sur ma langue.

À peine un mois après avoir chanté ces paroles en duo avec Marc Almond, et alors que le disque n’est pas encore sorti, Nico fait une chute à vélo, peut-être due à une insolation ou un arrêt cardiaque. L’ambulance arrive trop tard, hémorragie cérébrale, Nico meurt le 18 juillet 1988, elle sera enterrée à Berlin, au cimetière de Grunewald-Forst.

To keep my heart warm / With my touch / I’ll freeze your heart.

Yann Courtiau

http://vimeo.com/71814674