Tom Traubert’s Blues – Tom Waits

Il n’y a aucune autre chanson qui me tire autant les larmes que Tom Traubert’s Blues de Tom Waits.

Je ne l’ai pas choisie parce que la voix rauque de son interprète me rappelle ces longues années d’amour avec mes clopes, ces amies de fête, de joie comme de galère, que j’ai désormais abandonnées sur le bord de la route. Je ne l’ai pas non plus choisie parce que Tom Waits est roux et frisé, et que je me sens faire partie de cette communauté solidaire des gens qui en ont soupé étant ados pour cause de fibre capillaire marginalisée. Je ne l’ai également pas choisie parce que choisir Tom Waits, c’est choisir le plus sûr moyen d’éviter les jets de pierre des pédants du monde de la musique.

Je l’ai choisie parce que, pour moi, c’est la plus belle chanson du monde. Et si quelqu’un venait à dire que ce n’était pas le cas, je le prendrais personnellement. C’est une de ces chansons qu’on découvre jeune, par le biais des parents. Je me souviens encore me demander comment il avait fait, ce Tom Waits, avec sa ganache pas possible et sa voix de vieille grand-mère crochée à ses gitanes, pour sortir un disque. Elle ne sonnait comme rien de ce que je connaissais du haut de mes glorieuses dix années d’existence montagnarde. C’était vraiment fort de café, ce mec et cette grosse voix ! Et cette chanson qui aurait pu sonner comme une ode à la guimauve intersidérale si n’importe qui d’autre avait posé sa voix cucul la praline par-dessus…

Je me souviens de ma mère qui m’a dit de « bien l’écouter celle-là, tu vas voir c’est la meilleure », et moi de poser ma petite tête, pleine de cheveux roux et frisés donc, sur son épaule et d’écouter. Et non seulement c’était vrai, c’était la meilleure, mais elle m’a tiré une larme. Comme elle me tire une larme alors que j’écris ces mots.

Parce que cette chanson pour moi, c’est plus qu’une chanson, c’est la bande-son du film de l’amour que je porte à ma mère. Il n’y a pas une note de Tom Traubert’s Blues qui ne me rappelle la plus belle femme que je connaisse, et devant qui je ne serai jamais qu’une enfant en admiration totale.

Olivia Bessat

 

 

2 réflexions au sujet de « Tom Traubert’s Blues – Tom Waits »

  1. Je ne sais pas si cette chanson est la plus belle du monde, mais il y en a peu qui ont fait l’objet d’une déclaration d’amour aussi touchante et belle.

  2. J’apprends à parler anglais… Évidemment, il y a encore des mots ou des expressions qui échappent à ma compréhension. Chaque jour, j’essaye de m’améliorer, en rédigeant des articles en anglais, en regardant mes films anglophones préférés, ainsi qu’en écoutant des chansons à texte anglophones. Je suis tombé par hasard sur une vidéo de Tom Waits qui compile des extraits des meilleures interviews de cet homme. J’ai été intrigué par ses réponses déjantées et extravagantes. Sa voix est aussi rauque que celle d’un tuberculeux atteint de bronchite qui continue, hélas, à allumer son calumet. Sa voix me rappelle un peu Leonard Cohen.
    Google semble être devenu l’un de mes meilleurs amis.
    Premièrement, j’ai tapé son nom sur Google, et la première page wiki m’a informé de son âge : 68 ans ! C’est là que je me suis dit que pour un chanteur/poète qui parle et consomme des drogues, c’est assez étonnant qu’il ait réussi à se conserver jusque là ! Étant moi-même un toxicomane substitué aux opiacés, je me pose plein de questions sur le rapport que peuvent avoir de manière générale certains artistes comme Tom Waits avec les drogues. Par exemple, comment font-ils pour continuer à consommer sans se détruire complètement la santé ?
    J’ai donc tapé « Tom Waits drogue » sur Google, et la première page indiquée était celle-ci.
    J’ai donc écouté cette chanson, tout en lisant votre article, et je dois avouer avoir été touché par votre style et votre façon d’écrire. En particulier cette phrase :
    « Parce que cette chanson pour moi, c’est plus qu’une chanson, c’est la bande-son du film de l’amour que je porte à ma mère. »
    …Qui est très bien trouvée. J’ignore si vous avez montré ceci à votre mère, mais je pense que ça lui plairait énormément.
    En effet, j’ai moi-même, si je puis dire, ma propre « soundtrack » du film de ma vie. Ce sont des musiques, toutes différentes les unes des autres, mais qui s’enchaînent très bien en transitions. Chacune correspond à un instant précis de ma vie. Chaque instant marquant ou émouvant que je peux vivre laisse forcément de nombreux souvenirs en tête. Et parfois, il suffit que je réécoute une musique que j’écoutais à une époque particulière, et tous les souvenirs qui sont liés à cette musique me reviennent d’un coup. C’est formidable ce qu’on peut faire avec sa mémoire.
    Il y a des musiques que j’écoutais tellement souvent, qu’elles font .désormais partie de moi. Je me suis approprié plusieurs chansons ou musiques qui correspondaient pour chacun de mes ressentis différents. Et que je me suis approprié pour les associer à ce que je traversais dans chacune des différentes périodes de ma vie.
    Au fil des années, mes goûts ont évolué et ils évoluent, autant en musique que dans la bouffe ou ailleurs. Mais parfois, il suffit que je réécoute une des musiques de la « bande-son du film de ma vie » et hop, je remonte le temps…
    Bonne continuation 😉

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