CharlElie Couture, je l’ai rencontré en avril 2010, à New York. La ville, dit-on, où tout est possible. Cela doit être vrai. Je savais qu’il avait son atelier sur Manhattan. Après quelques échanges, le rendez-vous est fixé. Le jour J, je m’engouffre à l’heure dite dans l’ascenseur d’une tour vertigineuse. Plusieurs dizaines d’étages plus haut, je me retrouve devant une porte. Je sonne. J’ai les mains moites et la gorge sèche. La porte s’ouvre. Lunette de soleil, barbiche. Un «Bienvenue» de cette voix si particulière. Pas de doute. C’est lui. Après une petite heure passée à visiter son atelier, parler de son travail en cours, il propose d’aller manger une pizza dans le quartier. En route, il s’arrête souvent pour capturer des images. Une bouche d’égout, une trace sur le sol, un échafaudage très graphique… Je me suis souvent demandé si les photos prises avaient été utilisées sur l’une ou l’autre de ses créations. On a mangé une pizza, j’ai bu une bière. Je ne savais pas quoi lui dire. Comme le lièvre pris dans les faisceaux des phares de la voiture… Puis je suis reparti dans la Big Apple avec un drôle de sentiment dans le ventre. Dis-moi, c’est comment un rendez-vous manqué?
«Mais il ne reste jamais rien de ce qui est vécu,
Quelques grains oxydés sur de la paraffine
Et des souvenirs idiots…»
Mais revenons un peu en arrière. Retour en 1986. J’ai onze ans. CharlElie dédicace son dernier ouvrage en date dans une galerie genevoise. Je me pointe avec un petit livre rouge où j’avais pour habitude, enfant, de faire dessiner toutes les personnes qui m’étaient chères. Je me vois encore. Un petit blondinet, ayant séché les cours, bégayant au milieu des adultes. Je lui tends mon livre: «Dessine-moi un mouton» Il a dû trouver cela attachant. J’ai encore son dessin: un guitariste qui lui ressemble et qui chante «Oh Thomas n’est pas un au-toma-te».
«J’ai des crampes dans le cou et les yeux qui me piquent, mais je me souviens…»
Puis 2002, la sortie de mon premier cinq titres. Je lui envoie mes chansons. Il me répond par un petit texte que j’ai longtemps utilisé dans mon dossier de presse comme un asticot sur l’hameçon. Les journalistes en sont friands. «Utilise-le si tu le souhaites. C’est tellement dur de se faire entendre dans ce métier. Si cela peut t’aider…» Je ne sais pas si cela m’a aidé. Sûrement. Mais cela m’a surtout beaucoup touché. Je l’ai toujours.
«Il faisait bon dès l’aurore, à regarder le ciel dans un fauteuil en toile…»
La ballade du mois d’août 75 a ce charme suranné des pellicules Super8. L’image bouge, parfois nette, souvent floue. L’objectif de la caméra se déplacent sur des souvenirs aux couleurs estompées. Le temps passe et les instants vécus sont nos balises. Aujourd’hui, 39 ans après, cette chanson produit toujours le même effet sur moi. Une douce rêverie estivale empreinte de nostalgie. La nostalgie peut-être d’une époque où l’…
«on buvait du Pastis comme si c’était de l’eau».
Tomas Grand