Tous les articles par Lara Torbay

All we ever wanted was everything – Bauhaus

Des accords qui couvrent un fredonnement aigu, puis un rythme qui s’accélère, comme le
battement d’un coeur qui repart, ou une vie qui commence, ou des yeux qui s’ouvrent
malgré la lourdeur des larmes qui les éclatent.
All we ever wanted was everything.
C’est une chanson qui dit:
Laisse-moi te toucher. Prends-moi la main.
All we ever got was cold.
C’est une chanson qui dit:
Laisse-moi t’attraper par la manche, te retenir, parce que je sais ce que ça fait de tout
vouloir et de ne recevoir que de fausses promesses, des contrefaçons de sourire, de
l’indulgence en pack de dix et de s’étonner à quel point le vide est lourd à porter.
Cette chanson, c’est une voix tremblante dont coule des larmes, des larmes qui tombent
trop souvent et qui disent ce que ça fait de ressentir ce que tout le monde tourne la tête
pour ne pas voir.
Un cri qui déchire la chanson. Les paroles ont plus beaucoup de sens et d’ailleurs on s’en
fout, maintenant cette chanson n’est plus chanson, c’est une fille de 17 ans qui sourit en
pleurant. Maintenant, c’est une chanson qui dit:
Toi, tu sais ce que c’est d’être trop humain et tu sais que c’est horrible, que le doute a une
odeur pestilencielle et qu’elle revient à chaque fois que les autres rient à une blague sur le
suicide, le viol, la dépression, la violence: tout ce qu’ils tournent la tête pour ne pas voir.
J’aimerais tellement pouvoir te faire comprendre que nous voulions tout avoir et que les
petites choses qui te font pleurer sont gigantesques.
Nous voulions tout savoir, tout vivre, tout pleurer et en faire de l’art pour ne jamais plus
être seul.
La chanson s’essouffle et finit comme elle a commencé, elle murmure:
Ni la froideur de l’apathie, ni la morsure de la compassion contrefaite
Ne t’empecheront de te tourner
Vers tous ceux qui ont toujours tout voulu.

 

Lara Torbay

 

There is a light that never goes out – The Smiths

Nous, on n’avait pas eu les couchés de soleil et les bougies, on avait une route pourrie
dans les environs de Boston. Ton visage était envahi par la lumière du feu rouge, ta
voiture aussi. On était devant l’école où on s’est connu et on riait en pensant à tout ce
qu’on ignorait alors pouvoir vivre, toutes les émotions impossibles qui nous cacheraient
bientôt les yeux et nous guideraient joyeusement vers toutes les surprises que la vie allait
nous cracher au visage. J’ai mis There is a light that never goes out des Smiths, ma
musique te plaisait, tu t’imprégnais de tout ce que j’étais, en faisais une partie de toi et la
sacralisais, et moi je te regardais faire en comprenant pas ce que j’avais de si précieux.
Driving in your car
I never never want to go home
Because I haven’t got one
Anymore
J’adorais la voix de Morrissey, je me disais que la chanson était trop belle, que le fait que
je devais bientôt rentrer la rendait affreuse, que cette chanson couplée à cet instant
rendait mon amour pour celle-ci impérissable. Je lui disais que je voulais pas rentrer, je
voulais jamais rentrer, je voulais partir loin de ma famille d’accueil, loin du New Hampshire.
Bien sûr, je le pensais pas. Bien sûr, je l’aurais suivi si lui m’avait prise au sérieux.
Take me out tonight
Because I want to see people and I
Want to see life
C’est avec lui qu’un jour, en courant jusqu’à sa voiture, le froid brûlant nos joues, j’en étais
venu à la conclusion que rien n’était plus précieux que la liberté, que peut-être l’amour
nous était si vital parce qu’il nous libère, parce qu’il nous fait croire qu’on peut devenir ce
que l’on a toujours voulu être, et on le croit, comme des cons.
And if a double-decker bus
Crashes into us
To die by your side
Is such a heavenly way to die
On avait nos chansons criées sur l’autoroute,
les paroles qui nous faisaient pleurer,
les blagues de merde que je faisais pour te faire rire,
les discussions politiques sur du punk,
And if a ten-ton truck
les projets qui ne se sont jamais réalisés,
les confidences et les souvenirs partagés,
les danses débiles dans les magasins,
les rêves qui étaient trop lourds pour nos épaules,
Kills the both of us
les larmes sur ton t-shirts,
les cheveux que je perdais partout et que tu laissais là en temps que porte-bonheur,
la liberté qui gonflait nos veines,
To die by your side
le slow pieds nus sur un terrain de baseball la nuit,
mes erreurs de prononciation que tu refusais de corriger,
les 100 petits mots que je t’avais écrits,
les cadeaux et les roses fanées,
les rires et les vidéos que je peux plus regarder,
les heures qui passaient trop vite et que j’ai déjà perdues.
The pleasure, the privilege is mine.
Par hasard, cette chanson est passée à la radio le jour où je partais, dans la voiture, en
route pour l’aéroport.
There is a light that never goes out
J’espérais que les lumières qui ne s’éteignent jamais dont parle la chanson étaient celles
de ma chambre que je ne voulais plus quitter.
There is a light that never goes out
Je l’ai entendu le dernier jour où je t’ai vu.
There is a light that never goes out
Les larmes sur ton t-shirt.
There is a light that never goes out
Et la musique s’efface lentement, comme tout ce qu’on croyait éternel.

Lara Torbay