Archives du mot-clé Écorché

Le Mal de vivre – Barbara

S’il y a au monde un archétype de l’artiste écorché vif, c’est bien Barbara! Elle n’est qu’un paquet d’émotion, elle ne chante QUE l’amour (ou presque: 80, 90% de ses chansons peut-être?), elle est déchirée et déchirante, ses chansons sont addictives, d’une séduction insidieuse mais durable, leur effet sur moi ne faiblit pas avec les décennies.

Par ses textes, son interprétation, son personnage, elle avait une capacité à transmettre l’émotion que l’on ne retrouve chez personne d’autre à ma connaissance. Comment sinon pouvait-elle susciter tellement de ferveur que le public l’ovationnait parfois pendant des heures après la dernière chanson, jusqu’à ce qu’elle revienne sur scène, qu’il restait après qu’elle soit partie et les lumières rallumées, pour chanter a cappella les chansons les plus connues?!

Brel est souvent impérial, Brassens toujours fiable comme un ami fidèle, mais Barbara est une compagnie dont je ne me passe jamais longtemps, elle n’est jamais très loin, rarement un mois se passe sans que je ressente le besoin de me refaire une cure d’une heure ou deux. Une cure d’émotion. De poésie. De mélancolie, surtout. De joie de vivre aussi, parfois, pas souvent, en tout cas pas de gaieté insouciante youp-la-boum, c’est pas son truc. Une cure de beauté, tout simplement.

Les chansons de Barbara sont si réussies parce qu’elles forment un tout qui se tient: le texte, la musique, l’interprétation. Une, deux, trois, comme le rythme de valse qu’elle affectionnait tellement! Cette combinaison souvent magique fait leur force et me les rend si indispensables.

Pourquoi « Le mal de vivre »?

Parce que les écorchés vifs ne sont jamais aussi bons que dans le malheur.

Parce que cette chanson est représentative de sa période, ma préférée, du début, chansons intenses, tendres, moqueuses, ardentes, virevoltantes, brillantes, brûlantes, d’avant que sa voix ne s’abîme et ne devienne, soit trop mélodramatique, soit à peine audible.

Parce qu’elle ne parle pas que du mal de vivre qui s’en vient, mais aussi de quand il s’en va. C’est triste et ça descend, tout en bas, tout au fond de la piscine et soudain à la fin, ça remonte comme quand on y donne un coup de pied. Et ce petit rire qu’elle a sur les mots « la joie de vivre », ça compense de tout le triste d’avant.

Représentative aussi donc, de ces chansons qui mêlent le sourire et les larmes, le tragique sur un air de valse.

Il y a des vidéos où elle la chante en concert, ou à la télé, mais j’ai cherché la version studio, rien que pour ce début qui arrive sans prévenir et a cappella « ça ne prévient pas, ça arrive… ça vient de loin ».

L’interprétation, la musique, le texte… une deux trois, une deux trois…

Samir Kasme

Ascenseur pour l’échafaud – Miles Davis

Ce n’est pas une chanson, me direz-vous, mais tout un album ! Ascenseur pour l’échafaud. Un joyau de titre pour le plus bel album du monde.

Je crois que je l’ai toujours connu, cet album. Mon père devait probablement l’écouter lorsque j’étais enfant. Mon oreille a grandi avec ce disque. Je ne l’associais pas au film de Louis Malle, ni au nom mythique de Miles Davis, ni même au jazz. C’étaient simplement ce son, ces notes de clarinette, cette atmosphère noire et blanche, ce rythme, cette sensualité que je ne savais pas encore nommer. Du velours, du mystère, de la puissance. Pour moi, c’était ça, la musique.

Pas besoin d’initiation, de blabla d’experts, cet album m’a suffi. Miles, pour toujours. Plus tard, j’ai écouté ses autres disques, lu des interviews, des biographies, des histoires du jazz. Et ma passion instinctive s’est muée en colossale admiration.

Un artiste qui cherchait toujours à créer, qui ne se reposait jamais sur les acquis, qui travaillait comme un fou, qui se rebellait, qui se blessait. Un homme écorché par le racisme, mais qui ne cédait jamais, restait arrogant et magnifique, peu importe qu’on le traite comme un chien ou comme un dieu. Miles était un génie et il le savait. Il assumait. Tout.

Lolvé Tillmanns