La Chaleur – Bertrand Belin

Qui
Qui peut
Qui peut dire
Qui peut me dire?

Il y a des mots qui, alignés les uns à côté des autres, forment comme un arc d’émotions, un arc prêt à se détendre pour exulter. C’est très certainement cette sensation que j’ai ressentie la première fois que j’ai écouté la voix et le verbe de Bertrand Belin, plus précisément dans La Chaleur. Oui, c’est bien cela, car je réécoute en ce moment même cette chanson pour vous en narrez l’émotion première et la voilà qui ressurgit, vaporeuse, intense, précise et elliptique à la fois. Aux premières ondes des cordes de la guitare de Bertrand Belin, j’avais retenu ma respiration et presque crispé mes dix doigts : impression organique, retenue dans l’excitation, attente d’un désastre exquis et imminent. Puis vinrent les mots et j’explorai le temps à travers les tableaux de son verbe, et le quotidien à travers ce même temps qui nous poursuit comme une promesse ou une fatalité, selon.

Que devient
Le pays
Le paysage
Quand le jour touche
À sa toute petite fin
Que devient
La chaleur
L’ancienne chaleur
Qui accablait les chevaux
Et le pont des cargos
Courage avançons
Un jour arrivera
Où nous arriverons
À voyager léger, léger (…)

Que deviennent les sensations, celles qui façonnent nos émotions puis se reposent dans la mémoire sous forme d’images? Est-ce que cela nous importe vraiment au final? semble suggérer Bertrand Belin dans cette chanson. La chaleur est sensation qui est vie qui est expérience qui se perd ou nous façonne ou un peu des deux ou rien qu’un souvenir ou encore une image : une sensation agréable ou non. Dans la transe de ses mots, qu’il aligne dans une cadence circulaire paisible et inquiétante à la fois, j’expérimente chaque fois à son écoute un vertige face contre terre.

“Comme souvent dans mes chansons, et sans que ce ne soit décidé par avance, s’installe un réseau d’indices qui finit par donner corps au versant visible d’un drame”, m’a-t-il une fois confié… Oui, il faut aimer les mots pour leurs possibles annexions. Oui, il faut aimer être nostalgique de La Chaleur, car c’est la meilleure façon de lui rendre hommage, et peut-être même de la re-sentir à nouveau et avant l’heure.

Jessica Da-Silva Villacastín

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