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Quoi qu’il advienne – Tibert

Pour se changer les idées, votre regard tombe sur un album de Tibert. Quoi qu’il advienne, une chanson écrite lors d’un voyage en Acadie, une diaspora située à l’est du Canada où les gens souffrent, depuis des siècles, d’avoir perdu contact avec leurs ancêtres après avoir été persécutés par les Anglais. Nul n’en revient indemne, l’émotion est trop forte quand on rencontre ces gens-là.

On pouvait voir de la colline
Monter la mer sur la Sagouine
Moi je naviguais à l’estime
Toi tu pêchais depuis le bord

…Quoi qu’il arrive, quoiqu’il advienne
Garde ta langue sur la mienne
Ce n’est jamais qu’un océan
Garde ta langue, passe le temps

Encore des histoires de temps qui passe douloureusement qui parlent d’aventures amoureuses sans issue, de l’éloignement des êtres aimés et de sa sombre solitude. Les plus belles chansons du monde sont définitivement perverses et cruelles. Mais je me plais à les écouter régulièrement et inlassablement, pour pleurer sur mon triste sort.

Roland Le Blevennec

Les Yeux revolver – Marc Lavoine

Elle a de beaux yeux. Ça fait rêver Marc Lavoine, mais de loin. Il la sait seule sur terre, mais il n’a pas l’air de se bouger, le bougre. Il faut dire qu’une pauvre femme larguée, un peu spéciale, et donc forcément célibataire, qui porte des jupes fendues et vit des aventures sans lendemain dans des draps inconnus, ça n’incite pas à la grande histoire d’amour. Tout juste au fantasme coupable.

Elle est triste, cette chanson, finalement. Deux êtres un peu paumés qui se dévisagent sans agir… Elle le fusille du regard, lui tend les mains. Rien. Je crois qu’au bout d’un moment, le revolver de ses yeux s’enraye, car elle mord. Je mordrais aussi si un mec me regardait sans bouger, avec un regard de merlan frit lubrique. Elle le supplie avec une insistance quasi mortelle, mais toujours rien.

Ça commence à devenir lourd cette histoire. Ça me fait penser à l’autre là, qui bave sur la fille aux yeux menthe à l’eau, mais qui laisse un gros macho la brutaliser. Que d’la gueule, ces chansonniers. Et dire que quand je susurrais cette chanson en me tortillant dans mes collants en dentelle et ma minijupe en skaï avant d’aller en boîte, je pensais que c’était une chanson d’amour. Tout juste une histoire de cul par procuration.

C’était en 1985, j’avais quand même 19 ans, j’aurais dû comprendre. Mais le brushing parfait de Marc aveuglait mon esprit critique. Dans le dernier couplet, elle est toujours célibataire, malgré ses tirs répétés à l’encontre de Lavoine, qui lui a pourtant facilité la tâche en posant sur la pochette au centre d’un viseur de fusil à lunette. C’est sûr que si elle est postée en sniper sur le toit d’en face, ils vont avoir de la peine à se trouver. Mais je ne vous laisserai pas dire que ce n’est pas la plus belle chanson du monde, car finalement, il la trouve belle quand elle dort. Ils ont conclu, il y a de l’espoir. Mais on ne sait pas si les draps s’en souviennent, car ça, c’est une autre histoire et une autre chanson.

Catherine Armand