Tout s’était terminé le jour-même où tout avait commencé. Un début présage une fin, irrémédiablement. Impermanence. Mais pas aussi vite, pas aussi brutalement. Utopie d’une possibilité et d’un absolu, d’un sentiment si grand qu’il balayait tout sur son passage. C’était tout simplement impossible.
Tu avais gravé ce constat dans ma chair à vif. En ce matin glacial et enneigé. En ce lendemain d’un moment inespéré de grâce partagé.
La neige avait recouvert le sol et les arbres en une nuit. Comme si la chaleur de la soirée n’avait jamais existé. Un froid glacial avait tout envahi et s’était propagé dans les moindres recoins de mon corps et de mon âme. A partir de ce triste matin, nous avons sombré ensemble. Mon cœur est devenu gris et froid. Le tien s’est renfermé encore plus. Je ne l’entendais plus, je ne l’entendrais plus jamais. D’ailleurs, l’avais-je un jour vraiment senti battre ?
Et pourtant, il y avait l’attente impatiente de se revoir enfin, libres.
Ce concert, dans cette ville, chère à ton cœur. De la musique, des gens, je m’étais sentie si vivante, croyant l’espace d’un instant que notre rêve se réalisait. Pourtant, le message d’Arcade Fire avait été clair ce soir-là. Sourde, je l’avais ignoré :
“My body is a cage that keeps me
From dancing with the one I love
But my mind holds the key…”
Tu avais déjà verrouillé ton cœur. Raison vs Sentiments. L’éternelle question. Choisir.
Moi, j’avais foncé, mais toi, tu n’y arriverais pas.
Dès ce jour, je me suis mise à haïr l’espoir, cette porte laissée entrouverte. En traître, la réalité n’avait pris que peu de temps pour nous rattraper. Aussi brutale qu’un coup de poignard, en plein milieu du cœur. Impossible. Absolu. Impossible. On m’arrache le cœur. Je m’effondre.
Mon cœur s’est éteint, cette nuit-là, vers 5h00 du matin.
Entre une porte cochère et le store baissé d’une terrasse.
Nous nous sommes embrassés, enlacés, dans cette rue déserte, protégés par l’obscurité.
Le monde autour de nous n’existait plus. Ni peur, ni froid, ni peine, ni espoir.
Juste le temps d’une ou deux chansons.
La terre continuait sa ronde pendant ce temps.
Seuls, chacun de notre côté, la réalité à affronter.
La chute est entamée, dès que le mot « impossible » a été prononcé.
La porte du taxi se referme.
Mes larmes se solidifient sur mes joues.
Tu n’es plus là et tu ne le seras jamais.
Le rêve s’est disloqué sur le sol gelé.
Je ne te croirai plus quand tu me chanteras :
“Angel, Angel
don’t take your life tonight
I know they take
and that they take in turn
and they give you nothing real
for yourself in return
and when they’ve used you
and they’ve broken you
and wasted all your money
and cast your shell aside
and when they’ve bought you
and they’ve sold you
and they’ve billed you for the pleasure
and they’ve made your parents cry
I will be here
BELIEVE ME
I will be here
…believe me
Angel, don’t take your life
some people have got no pride
they do not understand
the Urgency of life
but I love you more than life
I love you more than life”
I love you more than life
I love you more than life “
Olvia Gerig