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Mr. Moonlignt – The Beatles

5 secondes.
5 petites secondes.
5 secondes et tout est dit.
5 secondes qui bouleversent.
5 secondes et je suis à nouveau avec lui.
C’est dingue la musique.
Il est en slip au milieu du salon, 8h30, dimanche matin.
Il est arrivé en chantant avec sa grosse voix et sa bonne humeur.
Il sort la cassette du coffret, la place dans la stéréo. Volume à coin. C’est parti.
5 secondes et tout est dit.
Envoyé, reçu, touché, émus.
Il adore les Beatles, moi aussi du coup.
Il adore Mr. Moonlight, moi aussi du coup.
Ce morceau il est beau parce je suis avec lui, qu’il est là avec moi, heureux, en slip, au milieu du salon.
Et quand il est heureux, il chante, à coin, et il écoute de la musique, à coin.
Et moi je suis heureuse aussi du coup.
Mr. Moonlight je ne l’écoute plus avec lui.
Mais à chaque fois que je l’écoute je pense à lui, en slip au milieu du salon.
J’en avais 12 à l’époque. J’en ai 38 aujourd’hui.
A chaque fois que j’entends ce cri du cœur, cet intro en hommage à la lune, ces 5 petites secondes, je me sens un peu plus proche de lui.
Et je suis heureuse.
La musique nous ramène la beauté des gens le temps d’un instant.
Il m’a rejointe avec sa joie, sa grosse voix, son p’tit slip et son gros bidon.
Il est heureux. Alors je suis heureuse aussi du coup.
Et je m’endors en me disant que ça lui va bien d’être la lune en somme…
Misteeeeeeee1eeeeeee2eeeeee3eeeeee4mooooooolight5

Darkine

Catch – The Cure

Il y avait Véronique qui dansait dans le salon, et son pogo de l’heure dernière s’était mué en valse solitaire et déséquilibrée, la faute à la bière et à la vodka. Il y avait Stéphanie, je crois, et puis Ben, et puis Yvan, pauvre Yvan qui n’allait plus vivre longtemps, et Max, et Pat… Oui, forcément Pat, est-ce que je me serais risqué à découcher sans la présence de mon vieux pote ?

J’avais quinze ans et trois poussières, je découvrais simultanément les effets de l’alcool sur mon organisme, et l’euphorie de tomber amoureux à l’approche des deux pour mille. C’est dire que si j’ai oublié quelques détails de la soirée, la bande-son me reste solidement gravée dans l’âme.

Chez Véronique, les bombers et les Doc Martens étaient empilées à l’entrée, en compagnie de mes baskets blanches et de ma veste sans forme et sans marque, si encore j’en avais une. À l’évidence de la première question, Bennett’ ou New Wave ?, succédait alors une interrogation hautement plus essentielle, qui touchait à l’équilibre du groupe, et pour laquelle l’unanimité était de mise… Cure ou U2 ?

Je ne me donnais ni aux uns ni aux autres, découvrant avec un bonheur sans pareil, les Pogues, les Smiths et un Jurassien foutraque et vénéneux du nom de Thiéfaine qui squattait mon radiocassette avec bonheur. Je n’avais pour l’heure besoin de rien d’autre pour assurer ma bonne puberté musicale.

Mais voilà, Véronique replaçait l’aiguille sur la chanson deux, ça démarrait sur un petit roulement de caisse claire et sur des vocalises approximatives de ce Robert Smith intouchable dont pourtant la voix m’horripilait. Seulement, ce soir-là, j’avais une cannette à la main, je contemplais le plafond qui oscillait en rythme, mille nuits de fête avinées s’offriraient bientôt à moi… Et Véronique dansait.

Je reconnais à Cure le savoir-faire, mais un côté un peu affecté, un peu poseur, un peu trop maquillé, dans l’âme plus encore que sur la peau, m’empêche encore de les apprécier tout à fait.

Mais CatchCatch, ce n’est pas du rock, de la new wave, de la cold wave, ou je ne sais quelle merde branchée dont on décortique l’appellation, c’est juste une chanson belle et directe, comme Robert savait en torcher quand il oubliait d’être prétentieux. Et vingt-quatre ans après, alors que je l’écoute en tapant ces quelques mots, j’y retrouve une magie qui survit aux crépuscules de l’acné et au miracle des seins naissants.

Et là, affalé sur un coussin où j’allais bientôt m’endormir, en me disant qu’il y avait de bonnes raisons de vouer son temps à l’exploration assidue de la beauté des filles, et qu’il était peut-être en ce monde quelque chose que l’on se devait d’attraper, je priais que Véronique n’en finisse jamais de remettre ce vinyle, Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me, The Cure, chanson deux, and again, and again

Michaël Perruchoud